Intervention de Édouard Vieillefond

Réunion du lundi 26 février 2024 à 15h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Édouard Vieillefond, directeur général de la Caisse centrale de réassurance (CCR) :

Le régime des catastrophes naturelles a été institué en 1982, alors que la CCR, le réassureur public, existait depuis 1946. Son objet est de permettre l'assurabilité de certains biens face à des catastrophes naturelles susceptibles de les rendre inassurables, du moins par le marché seul.

C'est le point le plus important : si les assureurs et réassureurs privés pouvaient tout assurer, ils le feraient et il n'y aurait pas besoin du régime Cat nat. Mais il peut exister des carences ou défaillances de marché, en l'occurrence parce que le péril est trop grand et les pointes trop importantes. Les inondations, les tremblements de terre, la sécheresse géotechnique – autrement dit le retrait-gonflement des argiles – sont quelques exemples de risques qui ne sont pas assurables par le marché seul.

Ces risques sont inclus dans le régime Cat nat car les assureurs privés ne pourraient pas les couvrir sans limite. Si la CCR, qui réassure les assureurs, peut le faire, c'est parce qu'elle bénéficie de la garantie de l'État. J'insiste sur ce point pour éviter les confusions, fréquentes, entre ce qui relève du régime Cat nat et les catastrophes naturelles que les assureurs gèrent seuls. Les tempêtes, la grêle et la neige sont ainsi couvertes contractuellement, sans qu'il y ait besoin du régime Cat nat.

Ce régime assure des biens contre des dommages – il ne s'agit pas d'assurer des personnes, ce n'est pas une assurance vie ou une assurance santé. Ces biens, les habitations notamment, peuvent subir des dommages à cause d'inondations ou de tremblements de terre par exemple. Lors de tels sinistres, qui se produisent régulièrement, les dommages sont d'abord pris en charge par les assureurs : c'est l'assurance primaire. La CCR intervient dans un deuxième temps, comme réassureur – au-dessus des assureurs. J'insiste sur ce second point : le régime Cat nat repose sur l'assurance primaire et s'il fonctionne bien, c'est parce qu'en France l'assurance est très bien répartie et très efficace. Ainsi, dans l'Hexagone, l'assurance multirisque couvre 97 % des habitations. Mais lorsqu'aucune assurance primaire n'est souscrite, le régime Cat nat ne s'applique pas et il n'y a pas d'indemnisation. Or la situation d'assurance est très différente dans les outre-mer, où les taux de couverture s'échelonnent entre 5 et 70 %.

Techniquement, une surprime est automatiquement appliquée à toutes les assurances dommages que souscrivent les particuliers et les entreprises. Cette surprime, obligatoire, génère à peu près 2 milliards d'euros de revenu. La CCR et les assureurs se répartissent ce revenu et les sinistres correspondants, selon une quote-part de 50/50, propre à aligner les intérêts. Les assureurs peuvent ensuite essayer de se réassurer auprès de réassureurs privés, qui parviennent à couvrir certains périls, notamment les inondations. Au-delà d'un certain montant, la CCR intervient en stop loss, selon un mécanisme de réassurance non proportionnelle, et prend à sa charge l'intégralité des dommages. Enfin, si les réserves de la CCR – aujourd'hui un peu moins de 2 milliards – ne suffisent plus à couvrir le total des dommages, nous faisons appel à la garantie de l'État. Cela ne s'est produit qu'une seule fois, en 2000. La surprime venait d'être augmentée, en 1999, et n'a plus bougé jusqu'au 28 décembre 2023, où le ministre des finances l'a portée de 12 % à 20 %.

En dehors de l'Hexagone, le régime Cat nat s'applique aux départements et régions d'outre-mer (Drom) et à certaines collectivités d'outre-mer (COM). Celles du Pacifique, en particulier la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, n'en bénéficient pas. Il constitue un avantage important pour les territoires ultramarins, qui représentent 10 % des dommages du régime et versent seulement 2 % des primes environ. Cette péréquation qui leur est favorable est une très bonne chose. Reste que beaucoup de nos concitoyens ultramarins ne souscrivent pas d'assurance primaire – que ce soit dû à la présence des assureurs ou à l'assurabilité des maisons, par exemple parce qu'elles ne sont pas aux normes – et ne sont donc pas couverts par le régime Cat nat.

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