Intervention de Hadrien Ghomi

Réunion du mercredi 13 mars 2024 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHadrien Ghomi, rapporteur :

L'accord franco-papouasien dont nous sommes saisis a été signé le 31 octobre 2022 à Port Moresby, capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Il porte sur la coopération en matière de défense et sur le statut des forces de nos deux pays. Il offre un cadre juridique protecteur aux personnels français déployés sur le territoire de Papouasie-Nouvelle-Guinée et réciproquement.

Après une présentation de son contexte, j'en analyserai le contenu et les conséquences concrètes.

La Papouasie-Nouvelle-Guinée est un État incontournable dans le Pacifique, quoique souvent méconnu en France hexagonale. Deuxième plus grande île du monde, ce pays bénéficie d'une très grande diversité culturelle – plus de huit cents langues, soit à peu près 10 % des langues parlées dans le monde –, d'un patrimoine naturel exceptionnel – les trois-quarts de son territoire sont occupés par la forêt primaire – et de ressources très convoitées – des ressources halieutiques et du nickel notamment.

Certes, la Papouasie-Nouvelle-Guinée est confrontée à de nombreux défis internes : inégalités sociales, corruption, insécurité. Mais son gouvernement souhaite agir dans ces domaines, avec l'appui de partenaires étrangers, dont la France.

La France, seul pays européen à disposer d'une ambassade à Port Moresby, est considérée comme un partenaire de confiance par la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le renforcement de la coopération entre nos deux pays, marqué par la visite historique du président de la République à Port Moresby en juillet 2023, qui fut le premier déplacement d'un chef d'État français depuis l'indépendance du pays en 1975, en est un signe.

Pour la France, il s'agit de mettre en œuvre sa stratégie dans l'Indopacifique. Lancée en 2018, celle-ci repose sur plusieurs piliers : la sécurité et la défense ; l'économie, la connectivité, la recherche et l'innovation ; le multilatéralisme et la règle de droit ; le changement climatique, la gestion durable des océans et la biodiversité.

Concernant la coopération environnementale, la France a porté le projet d'une plateforme-pays, réunissant des bailleurs internationaux publics et privés, pour financer la préservation de la forêt papouasienne. Présentée à la COP28, cette initiative a été dotée de 100 millions d'euros, ce qui est un premier succès pour la France.

En matière de défense, la signature de l'accord que nous examinons ce matin a été une étape majeure ; depuis lors, les projets de coopération se multiplient. Côté français, ce sont essentiellement les forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC) qui sont mobilisées. Comptant environ 1 500 militaires et 200 civils, elles appuient régulièrement la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour des missions d'assistance humanitaire et de secours. En septembre 2023, après l'éruption du volcan Bagana, la frégate Vendémiaire a acheminé du fret humanitaire sur l'île de Bougainville.

Les forces françaises et papouasiennes s'entraînent ensemble lors des exercices bisannuels Équateur et Croix du Sud. Par ailleurs, la France assiste la Papouasie-Nouvelle-Guinée dans la lutte contre la pêche illégale. Depuis 2022 – et surtout depuis 2023 –, la coopération militaire s'est renforcée par le biais de rencontres entre autorités militaires, d'escales de bâtiments français en Papouasie-Nouvelle-Guinée et de formations militaires. Lors de son déplacement dans le Pacifique en juillet 2023, le président de la République a annoncé la création d'une académie du Pacifique, qui formera entre vingt et cinquante Papouasiens chaque année.

La France n'est pas le seul pays avec lequel la Papouasie-Nouvelle-Guinée développe ses relations en matière de défense et de sécurité. Outre son partenariat historique avec l'Australie, elle a récemment signé des accords de statut des forces ( status of forces agreements ou SOFA) avec la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, les États-Unis et l'Indonésie.

La Papouasie-Nouvelle-Guinée exclut toute coopération d'envergure avec la Chine. Les auditions que j'ai menées ont montré que les Papouasiens opèrent une distinction, voire une dichotomie, entre les contrats d'ordre économique et la coopération en matière de sécurité. La Chine est la bienvenue pour la seule coopération économique. Sur ce point, la Papouasie-Nouvelle-Guinée se distingue d'un autre État du Pacifique – les îles Salomon –, qui a conclu, en avril 2022, et renforcé, à l'été 2023, un partenariat de sécurité avec la Chine.

Dans ce contexte, choisir la France n'est pas anodin, d'autant que notre partenaire nous a fait confiance dans la rédaction de cet accord, reprenant intégralement la proposition française sans négociation.

J'en viens au contenu de l'accord. Ses vingt articles sont ceux que l'on trouve classiquement dans les accords de coopération en matière de défense et régissant le statut des forces signés par la France. Je me contenterai donc de présenter l'article 3, qui dresse la liste des formes de coopération possibles : échange d'expérience et visites ; formation et entraînement des forces ; conseil aux forces ; fourniture d'aide humanitaire et d'aide d'urgence ; transits et escales aériennes et maritimes. Les autres dispositions sont relatives à l'encadrement juridique de la coopération et au statut, ainsi qu'aux conditions de séjour des personnels. L'accord n'appelle aucune procédure de ratification par le Parlement de Papouasie-Nouvelle-Guinée.

J'en viens aux conséquences de l'accord. Jusqu'à présent, notre coopération en matière de défense était encadrée juridiquement par des instruments ad hoc et ponctuels, tels que des arrangements techniques. Ce texte permet de disposer d'un document de niveau intergouvernemental, donc plus pérenne et plus complet. Il s'agissait d'une exigence de notre partenaire pour renforcer notre coopération.

Notre coopération bilatérale en matière de défense ne sera véritablement effective que si la France lui attribue des moyens. Je me suis exprimé en ce sens devant les services du ministère des de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) et du ministère des armées.

Nos ambitions sont plus élevées que par le passé. Nous prévoyons un détachement d'instruction opérationnelle (DIO), deux escales de bâtiments et trois escales aériennes par an, soit 180 personnels, pour des durées de mobilisation allant de deux jours à quatre semaines. En outre, vingt à cinquante militaires papouasiens se rendront chaque année en Nouvelle-Calédonie dans le cadre de l'académie du Pacifique.

Compte tenu de ces objectifs, la création d'un équivalent temps plein (ETP) basé en Papouasie-Nouvelle-Guinée semble nécessaire pour assurer un suivi approfondi et une relation privilégiée de proximité avec ce partenaire. Il appartiendra au ministère des armées et au MEAE de déterminer le format le plus pertinent pour ce poste : attaché de défense, coopérant ou officier inséré dans un état-major des forces armées papouasiennes.

Le groupe d'études à vocation internationale sur les îles du Pacifique, que j'ai l'honneur de présider, se rendra probablement dans le Pacifique, plus particulièrement en Papouasie-Nouvelle-Guinée, à la fin de l'année 2024. Je serais ravi d'échanger avec vous sur les conclusions de ce déplacement, notamment avec MM. Herbillon et Metzdorf, co-rapporteurs d'une mission d'information de notre commission sur les enjeux et la place de la France dans l'Indopacifique.

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