Intervention de Tatiana Kastoueva-Jean

Réunion du mercredi 28 février 2024 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Tatiana Kastoueva-Jean, directrice du centre Russie-Eurasie de l'Institut français des relations internationales (IFRI) :

Le contournement des sanctions s'explique, à mon sens, par la prédominance d'une logique de rationalité économique et de coûts. S'y ajoute le problème du remplacement de certaines matières premières russes. Il y a quelques années, les sanctions prises sur l'aluminium avaient fait augmenter le prix de celui-ci de 30 % sur le marché mondial. Les Américains ont dû, ce qui est rare, faire marche arrière afin de continuer à acheter de l'aluminium russe.

L'économie russe, par son riche réservoir de matières premières, est au cœur de l'économie mondiale. Il convient en effet d'ajouter au flux du pétrole et du gaz d'autres matières premières telles que le titane par exemple, qui est indispensable aux industries occidentales. D'ailleurs, ces entreprises occidentales continuent d'acheter le pétrole et le gaz russes. Elles s'approvisionnent parfois indirectement, via l'Inde par exemple. Ce moyen de contournement représente cependant un coût pour la Russie et diminue les rentrées d'argent nécessaires au financement de l'effort de guerre.

En ce qui concerne les entreprises françaises, je vous renvoie à l'excellente enquête sur Leroy Merlin, parue dans L'Express. Certaines entreprises ont quitté rapidement la Russie, pour préserver leur réputation. D'autres restent mais pas nécessairement pour de mauvaises raisons. En effet, quitter la Russie suppose de laisser des actifs aux mains des Russes ou de clans, comme le clan Kadyrov qui, comme je l'évoquais précédemment, a saisi les actifs de Danone. Par ailleurs, la porte de sortie est difficilement accessible aujourd'hui. Une commission spéciale gouvernementale examine les dossiers au cas par cas et impose ses conditions. Les pertes financières sont considérables. C'est la raison pour laquelle de nombreuses entreprises françaises sont toujours implantées en Russie, mais sous forme de coquilles vides. Elles n'ont quasiment pas de chiffre d'affaires, ni de ventes, mais, officiellement, elles poursuivent leur activité et continuent à présenter leurs comptes.

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