Au sein du groupe Horizons, nous sommes très attachés à l'esprit de responsabilité qui a toujours présidé à nos discussions juridiques sur la Nouvelle-Calédonie. Ce n'est d'ailleurs pas que l'affaire du droit puisque ce sont des évolutions politiques qu'il a fallu imaginer et accompagner afin de dessiner le meilleur chemin pour ce territoire et ses 270 000 habitants. J'en parle avec une certaine émotion et une grande humilité parce que j'ai eu l'immense privilège de participer à ces travaux depuis sept ans et de me rendre en Nouvelle-Calédonie. J'ai parcouru ses îles et ses provinces et je suis allée à la rencontre de ses habitants, jeunes et moins jeunes. C'est un voyage dont je suis revenue intimement marquée et consciente de l'immensité des enjeux, ainsi que de l'éthique particulière du dossier calédonien, l'un de ses fils rouges.
Longtemps nous avons évoqué ici le fameux jour d'après, celui qui devait succéder au long chemin balisé par l'accord de Nouméa. Nous y sommes aujourd'hui, mais ce processus historique ne se résume pas au seul lendemain des référendums d'autodétermination : il implique la construction, dans le temps long – autre fil rouge –, d'une vie ensemble pour les Calédoniens, d'une identité dans « un destin commun ».
Le texte soumis à notre assemblée cet après-midi est une nouvelle étape dans cette grande histoire. Le Gouvernement propose de reporter le renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie du mois de mai prochain au 15 décembre de cette année au plus tard. En effet, comme l'indique l'étude d'impact du projet de loi organique, le Gouvernement propose de corriger les distorsions croissantes entre le corps électoral pour l'élection des représentants de ces assemblées et le corps électoral général qui résultent de l'écoulement du temps et des évolutions démographiques intervenues depuis plus de deux décennies. C'est une exigence démocratique, l'a rappelé M. le ministre, car les élections locales ont une incidence nationale mais aussi parce que le corps électoral provincial est gelé depuis le 8 novembre 1998, si bien qu'une partie des Calédoniens en sont exclus de facto.
Le Conseil d'État a lui-même considéré, dans son avis du 26 décembre 2023, que l'intervention du législateur était nécessaire pour « corriger le caractère excessif résultant de l'écoulement du temps ».
Force est de constater que les forces politiques locales ne se sont pas accordées sur les modalités du dégel. Dès lors, le report des élections s'impose, et nous le soutiendrons. Nous comprenons aussi le lien qui est établi, de manière assumée, entre le présent projet de loi organique et le projet de loi constitutionnelle relatif au dégel du corps électoral, texte également déposé par le Gouvernement.
En réalité, ces deux textes sont des contraintes ou des nécessités, dans l'attente de mieux, pour donner du temps à la discussion et augmenter les chances de parvenir à un accord peut-être plus général sur le fonctionnement de la Nouvelle-Calédonie. Notre volonté est bel et bien de tout suspendre si les parties devaient trouver un accord dans le cadre des discussions en cours.
Je reviens à ce que j'ai dit au début de mon intervention : nous privilégions les échanges, la voie du dialogue et du respect, de sorte que la priorité soit toujours donnée au consensus. C'est cette voie qui doit prévaloir pour toute décision intéressant la construction de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Je forme le vœu que, dans le même esprit, la représentation nationale s'exprime à l'unisson ou, à tout le moins, à une majorité aussi large que possible. Selon moi, c'est le meilleur message que l'on puisse donner à entendre aux Calédoniens.
Monsieur le ministre, je salue votre engagement sur ce sujet complexe. Vous y avez consacré de nombreux déplacements et avez longuement échangé avec les élus, les forces politiques et la société civile de Nouvelle-Calédonie. Vous montrez ainsi votre attachement à une démarche collective, bien loin de vouloir imposer une solution unilatérale qui serait, d'après nous, le dernier recours. Je remercie toutes les parties prenantes. Nous échangeons régulièrement avec tous les élus de Nouvelle-Calédonie, quelle que soit leur sensibilité, notamment avec nos collègues Philippe Dunoyer, rapporteur du texte, et Nicolas Metzdorf, ici présent.
Le Premier ministre Édouard Philippe, vous le savez, s'était engagé personnellement sur ce dossier et en avait fait un élément essentiel lors de la passation de pouvoirs à son successeur, Jean Castex. Il sera d'ailleurs toute cette semaine en déplacement en Nouvelle-Calédonie. En 2017, il avait déclaré : « Il y a ce savoir vivre ensemble spécifique à la Nouvelle-Calédonie, forgé par son histoire, forgé par l'identité kanak et par ses échanges avec les autres cultures, forgé aussi par sa relation avec la France ». Soyons, mes chers collègues, à la hauteur de cette histoire !