Dans les années 1980, la Nouvelle-Calédonie a connu une situation d'extrême violence, avec pour paroxysme la prise d'otages dans la grotte d'Ouvéa. Il a fallu un long processus pour sortir de ce cycle de violences, pour retrouver la paix civile. Tout d'abord, les accords de Matignon ont été signés en juin 1988 puis ont été approuvés par référendum la même année. Ainsi, le peuple français a reconnu le fait colonial en Nouvelle-Calédonie et l'existence d'un peuple premier. Notre discussion actuelle est intimement liée à ce processus de décolonisation.
L'accord de Nouméa, signé en 1998, prévoit la construction d'un destin commun avec la mise en place d'une citoyenneté calédonienne. Trois référendums d'autodétermination sont prévus. Ils ont eu lieu en 2018, 2020 et 2021. Le dernier a été maintenu coûte que coûte par le Gouvernement, malgré le deuil kanak et la demande de report du sénat coutumier. Les indépendantistes ont donc boycotté le scrutin et n'en ont pas reconnu le résultat.
L'accord de Nouméa prévoit qu'en cas de victoire du « non » aux trois référendums, les partenaires politiques se réunissent pour « examiner la situation ainsi créée ». Des discussions sont donc en cours pour parvenir à un nouveau consensus, sans qu'un accord soit encore advenu. L'un des points cruciaux de la discussion est la question du dégel du corps électoral pour les élections provinciales.
Car celui-ci ne correspond pas à la liste électorale générale, celle des électeurs pour la présidentielle, par exemple. En effet, pour voter lors des élections provinciales, des conditions de naissance ou de résidence en Nouvelle-Calédonie ont été définies en 1999. Vingt-cinq ans se sont écoulés depuis et de plus en plus de personnes sont privées du droit de vote, alors qu'elles sont nées et ont toujours vécu en Nouvelle-Calédonie.
En 1999, 7 % des électeurs ne pouvaient voter aux élections provinciales. Ils sont plus de 19 % aujourd'hui. Le groupe de La France insoumise n'est pas favorable à un gel perpétuel du corps électoral, qui n'aurait pas de sens et que personne ne demande. Le Gouvernement a déposé au Sénat, le 29 janvier, un projet de loi constitutionnelle qui prévoit unilatéralement son dégel. Cette question est cruciale. Car le Gouvernement propose d'ajouter 25 000 nouveaux électeurs dans un corps électoral qui en compte 180 000, soit 15 %. Pour donner un ordre de grandeur, à l'échelle de la France, cela reviendrait à adjoindre 7 millions d'électeurs aux 48 millions que compte son corps électoral. Faire cela juste avant une élection change profondément les équilibres politiques et, donc, potentiellement, le résultat du scrutin. Il s'agit d'un ultimatum adressé aux acteurs calédoniens pour les contraindre à trouver un accord avant le mois de juillet.
Le texte organique que nous examinons propose le report des élections provinciales. Il apporte donc la preuve que le Gouvernement est capable de souplesse à propos du calendrier électoral. En revanche, la différence de traitement, par rapport au référendum de 2021, pose un grave problème. L'impartialité de l'État est désormais entachée de soupçons ,