En tant que maire, je les ai vus, membres de l'Assemblée ou du Sénat, arpenter les territoires et s'y démener pour apporter des solutions. En tant que membre du Gouvernement, je vous vois, vous, députés, dans les mêmes dispositions. Vous avez mille façons de vous investir, au quotidien, dans votre territoire, et je tiens à vous en rendre hommage.
En tant que ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, depuis dix-huit mois, je constate aussi que les collectivités sont à l'origine d'un nombre croissant de politiques publiques et de décisions ; elles sont à cet égard « le premier kilomètre ». C'est la conséquence de la décentralisation, qui est devenue notre mode normal d'organisation politique. Le maire soutient des projets pour sa commune, et l'État l'accompagne par un financement ou de l'ingénierie. Les collectivités sont en outre impliquées dans la mise en œuvre de toutes les politiques publiques de l'État ; elles sont alors « le dernier kilomètre ».
Il y a donc un enjeu dans le fait que les élus qui pilotent les collectivités soient conscients des contraintes politiques et budgétaires du pays et les partagent solidairement avec nous. Réciproquement, il y a un enjeu, plus fort encore, dans le fait que nous intégrions mieux les contraintes de la mise en œuvre des politiques publiques quand nous les concevons ici, Gouvernement et Parlement.
La réintroduction d'un possible cumul entre une fonction exécutive locale et un mandat parlementaire, souhaitée par les auteurs de la présente proposition de loi, est un élément de réponse à la nécessité de rétablir des liens entre les différents échelons de l'action publique, en les associant davantage l'un à l'autre dans leur activité quotidienne.
L'exercice d'un mandat exécutif au niveau local ouvre, bien sûr, des perspectives sur la mise en œuvre des politiques publiques ; il permet de mieux voir les effets concrets de la loi et les besoins précis des acteurs qui sont chargés de l'appliquer. La présence d'un parlementaire parmi les élus locaux d'un territoire permet de mesurer davantage les objectifs et les contraintes du Gouvernement et du Parlement. Ce besoin de compréhension mutuelle est plus que jamais actuel et nécessaire. La crise démocratique que j'évoquais tout à l'heure se nourrit de notre incapacité à transformer les décisions nationales en actions locales et à donner toute sa place à l'initiative locale. Ce contexte très spécifique nous oblige à trouver une façon de mieux faire dialoguer les différents niveaux d'organisation et pose donc la question du cumul des mandats.
Trouvant la question légitime et pertinente, je n'ai pas de réponse toute faite à vous apporter. Il y a plusieurs façons d'aborder la question du cumul entre mandat local et mandat national : le champ des mandats concernés par un éventuel cumul, la taille des collectivités, les incidences sur le fonctionnement du Parlement sont des points qui nécessitent une véritable discussion et un débat ouvert. C'est pour éclairer ce débat que le Président de la République a demandé à votre collègue Éric Woerth, qui mène actuellement une mission sur la décentralisation, de formuler des propositions sur le sujet. Ce travail, avec les débats que vous aurez ici et ceux qui pourront se tenir ailleurs, nous permettra de peser le pour et le contre de chacune des options et de chacune des solutions. Comme toujours, je suis persuadée que c'est dans la confrontation des points de vue que nous bâtirons la décision collective la plus adaptée et celle qui tiendra le mieux compte des enjeux que j'ai évoqués au début de mon propos, à savoir la poursuite de la modernisation de notre vie politique et le renforcement des liens entre les territoires et la vie politique nationale.
Vous l'aurez compris, nous avons l'intention de laisser le débat se tenir ce soir. Ce débat doit avoir lieu. Il est normal et il est sain ; il ne faut pas le refouler.