Ce discours portait atteinte à la dignité même des élus, et je considérais alors que cela fragilisait la République et notre pacte démocratique.
J'ai vraiment partagé alors cet objectif. J'ai moi-même exercé un mandat de maire dans une commune de 14 000 habitants, et je sais à quel point cela nécessite du temps et de l'énergie, si l'on veut faire vivre sa collectivité, la développer, au rythme des attentes de nos concitoyens. L'idée de consacrer tout mon temps et toute mon énergie à mon mandat relevait de l'évidence. Ce qui était pertinent pour moi devait sans doute l'être pour d'autres élus locaux, et cela amenait donc assez naturellement l'idée d'une interdiction du cumul.
Ce choix, je l'ai aussi partagé comme membre de la majorité présidentielle. Le Président de la République et la majorité ont souhaité le préserver comme un élément fort de notre projet pour la démocratie française, que je suis fière d'avoir soutenu.
Vous le comprenez, ce choix répondait, à mon sens, à une logique et à une volonté profonde de modernisation et de renouvellement de notre vie politique. Je pense qu'il était nécessaire pour rallumer l'étincelle de la confiance et commencer, grâce à d'autres mesures prises à l'époque, à refonder notre pacte démocratique. Je crois d'ailleurs que cela a fonctionné concrètement : si la crise démocratique est profonde, bien entendu, et appelle de notre part une mobilisation totale, je crois que nos concitoyens nous ont reconnu le mérite d'avoir fait ce choix et d'avoir su faire évoluer l'équilibre existant.
Quand le législateur fait un choix de ce type, il n'entrevoit pas nécessairement tout de suite ses conséquences à moyen ou à long terme. Les institutions ont leur temps propre. Or je dois dire que, depuis sept ans, j'ai vu notre fonctionnement avec les territoires évoluer : l'ancienne donne, à laquelle la possibilité du cumul nous avait habitués, a disparu ; les relations entre les préfets, les administrations centrales, les parlementaires et les élus locaux se sont modifiées ; c'est un nouvel équilibre.
Dans cet équilibre, chacun est mieux concentré sur sa mission propre : les élus locaux, d'un côté, ont réinvesti d'autres fonctions exécutives au niveau local, dans les intercommunalités, les syndicats, les départements ; les parlementaires, de l'autre, ont réinvesti eux aussi certaines missions du Parlement, notamment en matière de contrôle et d'évaluation.
Dans cet équilibre, je crois que nous ressentons tous, sans peut-être l'exprimer de la même façon, une forme de séparation entre, d'une part, les territoires et les collectivités et, d'autre part, la représentation nationale et l'État. La possibilité de cumuler un mandat local et un mandat national a longtemps été une façon pour l'État central et les territoires de se parler, d'entretenir des relations informelles et fluides. C'est sans doute ce sentiment de coupure qui ramène devant vous, sept ans plus tard, la question du cumul d'une fonction exécutive locale et du mandat parlementaire.
Je le dis d'emblée, je récuse l'idée selon laquelle les parlementaires seraient « hors-sol ».