Aujourd'hui, nous vous proposons non de revenir sur la loi organique de 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, mais d'offrir une liberté. Nous vous proposons de permettre à ceux d'entre nous qui le peuvent et le souhaitent, quels que soient leur histoire, leur âge ou leur parcours, de s'engager au sein d'un exécutif local pour se confronter, sur le terrain, à l'exercice du pouvoir. Il s'agit de permettre à tous les parlementaires d'accompagner un exécutif local, en tant qu'adjoint au maire ou en tant que vice-président d'une collectivité.
Cependant, un constat s'impose : le travail parlementaire a changé. Le calendrier législatif dans le cadre d'une majorité relative et le développement des autres missions du Parlement, à savoir le contrôle et l'évaluation des politiques publiques, nous imposent un rythme plus soutenu que par le passé. C'est pourquoi nous ne jugeons pas opportun de permettre à nouveau le cumul avec la tête d'un exécutif local. L'idée est donc non pas d'abroger le régime issu de la loi de 2014, mais de l'assouplir.
Le sujet soulève des questions bien plus vastes : agenda législatif ; statut de l'élu ; cumul horizontal – parfois débridé ; réforme des collectivités ; renforcement des libertés locales. Resteront également la question des moyens consacrés au travail des élus ou encore celle du nombre de conseillers municipaux. Toutefois, ce n'est pas cela dont il s'agit de débattre aujourd'hui. Dans le cadre d'une niche parlementaire, il fallait faire un choix, et je sais par avance que cette proposition de loi ne pourra corriger à elle seule tous les déséquilibres de l'exercice démocratique.
Dans l'esprit des rédacteurs de la loi de 2014, l'idée n'était pas tant de renouveler la classe politique que de promouvoir l'exercice à plein temps du mandat parlementaire. Or, en réalité, c'est non pas le mandat, mais la vie politique qui est à plein temps ! Il faut sortir de cette fiction qui consiste à dire qu'un parlementaire est un individu isolé : un parlementaire ou un élu local, c'est une équipe. L'exercice du pouvoir, c'est savoir décider mais aussi savoir déléguer. Lorsqu'un grand chef d'entreprise mène de front la gouvernance d'une grande société et celle de ses filiales, il est salué pour ses qualités de manager. Lorsqu'un salarié ou un agent de la fonction publique assume plusieurs missions pour animer des équipes, c'est un bon collègue. Les traitera-t-on de cumulards ?
L'idée n'est pas de prétendre qu'il faut absolument multiplier les responsabilités locales pour avoir la légitimité de légiférer ; c'est faux. Chacun d'entre vous a une expérience propre, qui enrichit cet hémicycle. Il s'agit simplement de dire que les députés qui connaissent l'exercice du pouvoir local ont une expérience précieuse et qu'il serait très dommage de s'en priver.
Au fond, il y a une hypocrisie dans notre système politique : on voudrait sans cesse s'enorgueillir de la diversité des profils à l'Assemblée, mais on exclut de fait ceux-là mêmes qui s'engagent jour après jour dans l'action publique sur le terrain, au service de leurs concitoyens. Au nom de quel principe faudrait-il ouvrir les hémicycles à la société civile mais en fermer les portes aux élus locaux ? Est-ce à dire que le fait d'avoir une expérience de l'action publique est une chose honteuse, un danger pour nos institutions ? Pourquoi priver cette caisse de résonance qu'est le Parlement des voix de ces femmes et de ces hommes qui, bien souvent, ont choisi de donner leur vie au bon fonctionnement de la cité ? Soyons sérieux, tout cela est dépourvu de sens !
En commission, certains ont pu dire qu'un élu de la République ne pouvait pas réunir en sa personne toutes les expériences humaines, qu'on ne pouvait pas attendre de lui qu'il soit médecin pour légiférer sur la santé, ingénieur pour légiférer sur l'énergie. Ils ont raison sur le principe, mais le débat n'est pas là. Il s'agit non pas de raisonner à l'échelle individuelle, mais de constater que le Parlement est un ensemble de personnes et que, si l'on additionne les expériences individuelles, on doit aboutir à une diversité de compétences utiles à la société française.
Or la société française, c'est avant tout des territoires, des communes, des régions, des départements. L'action publique locale n'est pas un sujet annexe ; elle est au cœur des politiques publiques nationales et au cœur du quotidien des Français. Elle mérite une place au sein du Parlement, et cela passe nécessairement par une expérience personnelle de certains élus.
Certains ont pu indiquer que rien n'empêche aujourd'hui un parlementaire d'occuper un mandat de conseiller municipal, départemental ou régional, et que cela suffit à assurer un ancrage local.