Henri Alfandari, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :
Le 22 janvier, mes collègues du groupe Horizons et moi-même avons déposé une proposition de loi organique visant à renforcer l'ancrage territorial des parlementaires. Ce texte est le fruit d'une réflexion de fond sur la place du parlementaire dans la société française. Parce qu'il nous conduit à nous interroger sur ce qu'est un bon gouvernement, il a suscité en commission de vifs échanges. Au fond, il me semble que c'est une bonne chose, car nous ne pouvons pas faire l'économie de ce débat aujourd'hui.
Si le sujet passionne tant, c'est que la question du cumul des mandats est au cœur de la Ve République. Certains pensent que cette République est morte, qu'il n'y a plus lieu de tenter de la sauver ; ceux-là ne voteront pas en faveur de ce texte. Mais nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à être profondément attachés à la Ve République. Cela étant, nous sommes conscients qu'il existe aujourd'hui un malaise démocratique et nous sommes bien forcés d'admettre qu'un équilibre a été rompu au sein de notre république.
La Constitution de la Ve République définit un équilibre fragile, qui repose sur des ajustements subtils, avec un pouvoir exécutif fort, voulu par le général de Gaulle pour assurer l'efficacité de l'action du Gouvernement. Cependant, la Ve République est un régime parlementaire. À ce titre, le Parlement doit contrebalancer la puissance de l'exécutif. Comment assurer cet équilibre ? En ayant des figures politiques identifiées et solidement ancrées dans un territoire, afin de compenser le jacobinisme républicain. C'est pourquoi le scrutin majoritaire a été consacré. Il s'agissait de rompre avec le régime des partis et de faire émerger de fortes personnalités politiques.
Qu'on le veuille ou non, l'exercice simultané de fonctions politiques nationales et locales constitue un ajustement subtil, mais il est essentiel à la Ve République. Le cumul n'est pas un gros mot mais une spécificité de la culture française. En coupant les racines locales des parlementaires, nous avons fait vaciller l'écosystème fragile de notre édifice républicain.