Intervention de Charles Fournier

Séance en hémicycle du jeudi 14 mars 2024 à 15h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles Fournier :

Jadis figure d'autorité et de pouvoir, mystifié et déifié, le personnel médical n'est plus considéré de la même manière. Chaque jour, en moyenne, soixante-cinq professionnels de santé sont victimes d'agressions physiques ou verbales, selon l'Observatoire national des violences en milieu de santé. En 2022, cela représentait un tiers des professionnels, qu'ils soient médecins, sages-femmes, kinés, pharmaciens ou membres du personnel administratif.

Face à l'augmentation inquiétante des agressions à leur égard ces dernières années, je veux d'abord affirmer tout mon soutien aux professionnels de santé, qui font un travail si extraordinaire au quotidien et ne se sentent pas pris en considération.

Pour répondre à ces violences, la tentation de la répression est forte : il s'agirait alors de punir, de contenir les violences en augmentant les peines, comme le propose ce texte. Mais les personnels de santé seraient-ils davantage protégés ? Les violences physiques et verbales à leur encontre ne sont que la face émergée de l'iceberg. En effet, derrière ces agressions se cache une violence plus institutionnelle, enracinée, généralisée à l'ensemble du secteur de la santé publique : souffrance au travail, salaires misérables, urgences débordées, cadences intenables, fermetures de lit, coupes budgétaires, patients sur le carreau.

En Indre-et-Loire, dans mon territoire, les services des urgences des hôpitaux de Loches et de Chinon ont fermé leurs portes vingt-quatre heures à plusieurs reprises ces derniers mois. Psychiatrie, cardiologie, pédiatrie : nombreux sont les services de l'hôpital de Tours qui se sont mis en grève, au-delà des cercles syndicaux, pour demander plus de moyens. C'est au sein de ces services que l'on trouve le plus de personnels victimes d'agressions.

La violence dont je veux parler, c'est aussi celle subie par Frances, 61 ans, qui décède faute d'une prise en charge médicale adéquate aux urgences de Grasse, ou par Lucas, 25 ans, qui meurt aux urgences de Hyères après avoir attendu plus de dix heures. C'est également celle provoquée par tous ces déserts médicaux contre lesquels nous agissons trop faiblement, et qui concernent 30 % de la population française.

J'aimerais vous raconter une anecdote vécue dans ma circonscription. En juin dernier, je me suis rendu pendant deux jours à l'hôpital psychiatrique de Tours, pour une immersion inopinée. J'y ai reçu le témoignage brut d'un soignant, qui m'a raconté que l'un de ses patients, en crise, l'avait tout bonnement séquestré. Il m'a expliqué à quel point il s'était senti seul dans cette situation, abandonné du fait du sous-effectif, mais aussi comment il avait pu retourner la situation, grâce à la relation qu'il avait développée au préalable avec ce patient. Fallait-il condamner le patient ? Non, je ne le crois pas, et le soignant ne me l'a pas demandé. Ce qu'il souhaite, ce sont de meilleures conditions de travail. Faut-il saluer ce soignant ? Ce serait bien. Malheureusement, depuis, il a démissionné.

Si le soignant subit l'agressivité de certains patients, soignants et patients subissent ensemble l'érosion d'un service public de santé, que beaucoup pourtant nous enviaient. Et c'est là que nos visions s'entrechoquent : à votre seule réponse pénale, nous voulons opposer une réponse globale et structurelle. L'examen de la proposition de loi en commission n'a pas permis d'améliorer le contenu du texte : des personnels évoluant dans différents établissements de santé, comme les cabinets médicaux et paramédicaux, ont été intégrés dans le champ de l'article 1er , mais nous n'avons rien obtenu sur le fond.

Sans présager de nos débats à venir, le groupe Écologiste devrait s'abstenir sur ce texte, notamment parce qu'il déplore que le phénomène des violences contre les professionnels de santé ne soit pas pris en compte dans son ensemble. Leur souffrance et celle de toutes les personnes qui travaillent et font vivre le service public de la santé méritent mieux qu'une telle proposition de loi.

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