C'est un amendement de repli. En plaçant l'expertise sous la coupe du décideur, la fusion de l'ASN et de l'IRSN entraîne de nombreuses dérives. Ce n'est pas une lubie : le président de l'IRSN lui-même a confié ses craintes à la commission du développement durable ; selon lui, les experts risquent de se conformer à la volonté du décideur. Afin de renforcer les maigres garanties que vous concédez en matière de séparation des fonctions de décision et d'expertise, nous souhaitons au moins nous assurer que l'ensemble des personnels de la future ASNR seront formés à la déontologie. Ainsi, ils pourront plus facilement se prémunir des influences politiques, économiques ou industrielles. Ce n'est pas un sujet mineur.
Rappelez-vous, dans un autre champ, les crashs des deux Boeing 737 Max, qui ont causé la mort de 346 personnes en 2018 et 2019. D'après les conclusions d'un rapport du Congrès américain, ces drames s'expliquent avant tout par la concurrence farouche à laquelle se livraient Boeing et Airbus – Boeing devait à tout prix accélérer le calendrier de production. Cela ne vous rappelle rien ? Vous êtes en train de faire la même chose pour la relance du nucléaire ! Boeing, pour gagner du temps, a caché des données – en l'occurrence des problèmes sur ses appareils. Par exemple, en cas de déclenchement accidentel du système antidécrochage, le pilote disposait de seulement dix secondes pour réagir et éviter une catastrophe. L'administration civile de l'aviation américaine, la FAA – Federal aviation administration –, infiltrée par les industriels, n'a pas exercé le contrôle des intérêts industriels comme elle l'aurait dû. Voilà ce qui se produit quand les objectifs industriels et économiques priment sur la sécurité.