En tout état de cause, le rapport public annuel de la Cour des comptes n'échappe pas lui-même à la difficulté à laquelle nous sommes confrontés : ses auteurs appellent de leurs vœux une maîtrise accrue des finances publiques, mais estiment, dans leurs développements au sujet de l'action publique en faveur de l'adaptation au changement climatique, que les moyens publics ne sont pas encore à la hauteur des enjeux. Dans cette seconde partie du rapport, ils se gardent toutefois de les chiffrer.
Je tiens à saluer l'excellent travail de la Cour des comptes, qui est mis à la disposition des Français et du Parlement. Son rapport constituera un document de référence, car il compile toute la littérature internationale pour mieux considérer les politiques publiques qui devraient, dans notre pays, favoriser l'adaptation au changement climatique.
Sa lecture m'inspire quelques observations générales. Le dérèglement climatique nous confronte en premier lieu à ce qui est le plus difficile en matière de politiques publiques, la remise en cause partielle de notre confort et de nos modes de vie. Il nous impose également d'agir dans le temps long, alors que la vie politique nous expose quotidiennement à la tentation du court-termisme. Ensuite, le dérèglement climatique met au défi notre organisation institutionnelle et sociétale. Pour lui faire face, nous avons besoin d'une forte impulsion publique centrale pour planifier, d'une capacité locale d'ingénierie et de programmation pour appliquer cette planification et d'un mouvement reliant, à tous niveaux, les moyens et réalisations du secteur privé et du secteur public. Votre rapport montre justement à quel point la lisibilité et l'efficacité de l'action publique souffrent de la multiplicité des plans, des contrats et des actions, mais également de la dilution des responsabilités. Il montre également que dans bien des domaines, des décisions fondées et adaptées ont déjà été prises, ce dont nous devons nous réjouir – j'en profite pour souligner l'excellent travail du secrétaire général à la planification écologique.
Le Gouvernement devrait très prochainement rendre public un troisième plan national d'adaptation au changement climatique. Comme nous, vous appelez à ce qu'il soit à la hauteur – du point de vue du contenu et des moyens – des enjeux décrits par le sixième rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), publié il y a un an, et par les recherches les plus récentes relatives aux impacts du réchauffement sur la santé publique, les zones agricoles, maritimes et urbaines et sur tous les types d'infrastructures.
Votre rapport évoque également la question de l'adaptation de l'action des institutions financières et bancaires, la Cour des comptes considérant à raison que le risque climatique n'est pas encore assez pris en compte dans l'évaluation des profils des entreprises. Elle souligne également que, bien que difficilement mesurable, la capacité à orienter l'investissement privé vers la transition climatique semble aujourd'hui insuffisante. Or, dans le contexte d'une dépense publique contrainte, elle sera décisive, et ce même si les projets concourant à la transition ne sont pas nécessairement les plus rentables. Pour résumer, une réponse financière et budgétaire à la hauteur passe par la mobilisation de l'investissement et des acteurs financiers privés, mais il reste à imaginer les instruments de régulation, voire de contrainte, qui permettront cette nécessaire réorientation des flux. Nous en sommes convaincus, la transition écologique est l'affaire de tous, sans exceptions !
L'action publique internationale, qui repose notamment sur l'aide publique au développement, a semblé en partie satisfaisante à la Cour des comptes, pour qui, évoquant des exemples au Maroc et au Sénégal, « la France se distingue par un engagement relatif fort sur les enjeux climatiques. » Le récent décret d'annulation de crédits a notamment concerné l'AFD, mais la lutte contre le changement climatique pourrait devenir l'un de ses critères d'arbitrage budgétaire. Vous remarquez d'ailleurs que l'AFD dispose d'une grille de cotation de son action internationale en fonction de l'adaptation au changement climatique.
Au sujet du logement, vous soulignez que MaPrimeRénov' devrait, plus qu'actuellement, permettre le financement de travaux d'adaptation des logements à la chaleur estivale. Le développement anarchique des systèmes de climatisation, qui augmentent les factures énergétiques, émettent des gaz à effet de serre et accentuent les effets néfastes de certains îlots de chaleur, pourrait ainsi être freiné, mais jusqu'à présent, ce dispositif a surtout permis le changement du mode de chauffage des logements. Sa réforme et la légère hausse de l'enveloppe budgétaire qui le finance devraient justement permettre de suivre votre recommandation, sachant que l'adaptation aux fortes chaleurs concerne également le parc immobilier de l'État.
Je souhaite conclure mon intervention par quelques considérations au sujet de la santé publique. Vous documentez une hausse significative du recours aux services d'urgence en cas de vague de chaleur durant plus de trois jours. Cette augmentation concerne toutes les tranches d'âge, mais est particulièrement sensible au sein des populations les plus âgées ; selon la Cour des comptes, elle « impose de renforcer l'action publique ».