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Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mercredi 13 mars 2024 à 14h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Le niveau de dette doit être relativisé : alors qu'il diminue en France depuis 2021, passant de 112,9 % à 109,7 % du PIB, il reste inférieur à celui de l'OCDE. La charge de la dette doit également être relativisée. En pourcentage de PIB – la seule valeur que nous devrions considérer –, son niveau, entre 2 et 3 %, n'est pas inédit ; en valeur, le montant de 80 milliards ne prend pas en compte l'inflation, ce qui rend l'analyse plus proche d'un scénario de film catastrophe que d'une approche rationnelle de nos finances publiques.

Comparer notre situation à celles d'autres pays devrait plutôt conduire à souligner l'importance de desserrer l'étau de l'austérité. Le niveau de déficit de l'Allemagne est souvent mis en avant, mais nous observons ses conséquences négatives sur la croissance, puisque le pays est entré en récession dès 2023 – cela a évidemment un rapport. La comparaison nous avantage donc. Le dogme allemand de la rigueur est ébranlé, puisque pour sortir du marasme économique, nos voisins s'écartent toujours plus de la principale règle qui le fonde, une stricte limitation du déficit.

Regardons plutôt du côté des États-Unis. Je ne souhaite évidemment pas ériger en exemple des modèles libéraux comme celui-ci, mais on y applique une recette qui fonctionne, et qui montre que la réduction des déficits n'est pas un précepte universellement respecté. Le taux de croissance qui y est attendu en 2024, 2,1 %, n'est en effet pas étranger au niveau élevé des dépenses du pays. Rappelons que le déficit budgétaire devrait atteindre 6,1 % du PIB aux États-Unis.

Je reconnais, monsieur le premier président, que vous n'excluez pas d'emblée ce raisonnement. Pour ne pas casser la croissance, vous recommandez de travailler sur la qualité de la dépense, tout en excluant certains secteurs comme la cohésion sociale, l'écologie ou la recherche. Vous relevez ici la contradiction dans laquelle s'enferre la politique du Gouvernement, lequel réduit des dépenses d'avenir tout en espérant, vainement, que la croissance sera au rendez-vous.

Mais si vous avez raison de pointer cette contradiction, vous proposez de la résoudre avec les mêmes recettes ; à votre tour, vous êtes confronté à une contradiction. Demander à la fois 50 milliards d'économies et, implicitement, des dizaines de milliards supplémentaires pour mener à bien la bifurcation écologique, cela revient à réduire le niveau actuel des dépenses à hauteur de la somme de ces deux montants. Où recommandez-vous de faire ces économies encore plus massives ? Dans la culture, l'éducation, le sport, les domaines régaliens ?

J'en viens à l'objet du rapport public. Voir la Cour s'intéresser à l'action publique contre le réchauffement climatique et aux moyens qu'elle requiert est une véritable satisfaction. Sur ce point, nous sommes d'accord : nous devons faire face à un mur d'investissements pour assurer la bifurcation écologique, mais aussi, malheureusement, pour nous adapter au changement climatique.

Je regrette que la Cour n'ait pas chiffré les besoins, mais j'observe qu'elle fait référence aux travaux de Jean Pisani-Ferry et de Selma Mahfouz, qui recommandent de recourir à un montant supplémentaire de dette et à la taxation des superprofits pour financer en partie les 34 milliards d'investissements publics nécessaires à la bifurcation écologique.

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