Tarder à la prendre en considération, c'est risquer de se trouver plus tard confronté à des choix très douloureux.
Les objectifs de l'adaptation doivent aussi parfois être conciliés avec ceux de l'urbanisme.
Il est également nécessaire d'instaurer une véritable culture de la planification et de la gestion du risque : les enquêtes que nous avons menées montrent que la planification, quand elle existe, est défaillante et dispersée.
On planifie parfois au niveau local, mais ces planifications sont incomplètes ou appliquées de manière très inégale – c'est le cas de la stratégie nationale de gestion du trait de côte. Elles sont parfois aussi peu coordonnées et mal réparties entre les différents échelons de collectivité, comme en témoigne la situation de certaines stations de montagne qui cherchent à diversifier leurs activités en s'appuyant sur l'échelle trop étroite de la commune.
Une planification rigoureuse et adaptée est une condition nécessaire mais non suffisante ; il faut aussi un pilote qui arbitre et coordonne les nombreux acteurs concernés. Or le rapport dessine une situation contrastée en matière de pilotage des stratégies d'adaptation. S'agissant des gestionnaires de grands réseaux par exemple, ce pilotage est plus abouti au sein d'EDF que de la SNCF.
Au-delà du pilotage, les politiques d'adaptation doivent faire l'objet d'une meilleure coordination entre les acteurs et être menées à l'échelle appropriée. La Cour préconise notamment de mieux articuler les politiques d'adaptation entre les entités du bloc communal. Cela vaut pour divers secteurs, comme la rénovation thermique des bâtiments publics ou la végétalisation des espaces urbains.
Enfin, dans certains domaines relevant de sa compétence, l'État ne joue pas correctement son rôle de stratège, qui consiste à fixer des objectifs clairs et à définir une trajectoire pour les atteindre. Pour sortir d'une logique de réponse au cas par cas et construire une stratégie d'adaptation, les gestionnaires d'infrastructures ferroviaires doivent notamment pouvoir se référer à un niveau de résilience cible, partagé par toutes les parties prenantes, y compris les usagers. Or la définition de ce niveau acceptable d'indisponibilité du réseau relève de la responsabilité de l'État. Il en est de même pour les objectifs d'adaptation assignés aux gestionnaires des réseaux d'électricité, qui devraient figurer de façon explicite dans les contrats de service public passés par l'État avec RTE – Réseau de transport d'électricité – et Enedis.
Permettez-moi à présent d'en venir au quatrième grand enseignement de notre rapport. La Cour a analysé comment mettre en œuvre des politiques d'adaptation efficientes – à la fois efficaces et soutenables.
C'est d'abord la question du financement des politiques publiques d'adaptation qui se pose.
La plupart des chapitres montrent que l'évaluation des coûts de l'adaptation est lacunaire, voire inexistante. Ces difficultés de chiffrage ne sont pas uniquement dues à l'absence de données, mais s'expliquent également par la difficile identification des dépenses spécifiques à l'adaptation. La vérité des prix est pourtant un élément d'arbitrage essentiel pour définir et mettre en œuvre des solutions financièrement soutenables.
Pour garantir des politiques efficientes, nous rappelons aussi que l'adaptation ne doit pas nécessairement passer par de nouvelles dépenses publiques. D'autres leviers peuvent être utilisés, qui consistent plutôt à responsabiliser les acteurs et à les inciter à agir.
Ainsi, dans le secteur financier, le premier critère d'allocation des flux est celui de la rentabilité financière ; il faudrait y ajouter un critère d'impact environnemental pour que les capitaux soient réorientés vers le financement de la transition.
La Cour préconise aussi la création de mécanismes de solidarité financière, comme un fonds d'aide à la recomposition du littoral, auquel les collectivités de bord de mer pourraient recourir pour cofinancer des actions avec l'État.
Nous soulignons ensuite trois points importants relatifs à la conception et à la mise en œuvre des politiques publiques.
Avant tout, nous mettons en garde contre les risques de maladaptation, qui sont souvent le résultat de logiques de court terme. Dans l'urgence ou sous l'effet de contraintes immédiates, les décideurs donnent parfois la priorité à des mesures qui, à long terme, vont à l'encontre de l'objectif d'adaptation. Cela revient bien souvent à dépenser de l'argent public de manière peu efficace, c'est-à-dire pour rien. La production systématique de neige artificielle dans certaines stations de montagne, parfois même lorsque les températures sont positives – une aberration ! –, en est un exemple frappant. Il en va de même du rechargement des plages en sable, qui ne fait que repousser pour quelque temps le recul du trait de côte.
La Cour souligne aussi que le rôle de la recherche est essentiel pour trouver des solutions adaptées, alors que les acteurs publics sont parfois démunis quand il faut choisir les solutions les plus efficaces.
Les chapitres de notre rapport montrent que l'application des résultats scientifiques sur le terrain est hétérogène. Si l'agriculture céréalière a développé un système de recherche et d'innovation complet, alliant secteurs public et privé, qui permet aux exploitants de renforcer leur résilience, la recherche est moins utilement appliquée dans le domaine forestier ou dans celui du logement.
Enfin, pour conduire efficacement les politiques d'adaptation, les décideurs doivent mieux s'approprier les données, les outils et les solutions dont ils disposent. Ainsi, l'adaptation de la forêt au changement climatique et la prévention des feux de forêt requièrent de développer les compétences en ingénierie et en maîtrise d'ouvrage des acteurs locaux, au plus près des massifs.
Voilà, mesdames et messieurs, les constats tirés de nos analyses sur l'adaptation, ainsi que quelques-unes de nos préconisations. Dans la plupart des domaines, nous n'en sommes heureusement pas à l'année zéro ; des outils et des solutions existent. Cela étant, l'ampleur du défi qui nous attend est immense.
J'en viens à présent à la situation d'ensemble des finances publiques, qui fait l'objet d'un chapitre spécifique de notre rapport. Elle est préoccupante – j'ai eu l'occasion de le dire assez souvent, y compris ici. Elle l'est d'autant plus à l'aune des analyses et des informations dont nous disposons désormais quant aux moyens qu'il nous faudra mobiliser pour nous adapter au changement climatique.
La Cour a analysé la situation des finances publiques telle qu'elle se présente après l'exercice 2023 ; elle a aussi examiné les principaux risques qui planent sur l'exercice 2024 en cours et sur la trajectoire prévue jusqu'à 2027 par la loi de programmation des finances publiques (LPFP), adoptée en décembre dernier.
Nous tirons de cette analyse trois constats pour le moins inquiétants.
En premier lieu, l'année 2023 a été, au mieux, une année blanche pour la réduction du déficit public, qui devrait même se creuser par rapport à 2022 – légèrement, je l'espère. La trajectoire 2023-2027 était déjà exigeante, le point de référence n'étant pas très élevé : ce n'est pas un bon départ, mais plutôt un faux départ.
L'année 2023 n'a pas été, comme on aurait pu s'y attendre, synonyme de sortie du « quoi qu'il en coûte ». Les dépenses exceptionnelles de crise et de soutien ont été prolongées, notamment avec les mesures tarifaires liées à l'augmentation des prix de l'énergie, qui ont encore coûté, comme en 2022, de l'ordre de 18 milliards d'euros en 2023.
Parallèlement à ce niveau de dépenses élevé, les recettes fiscales se sont révélées peu dynamiques. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui annonçait le contraire depuis quelques années, s'est trompé. Nos recettes fiscales ont perdu l'élasticité remarquable qui les caractérisait – cette situation ne pouvait du reste pas durer éternellement.