Mercredi 31 janvier, à Aubière, une adolescente de 15 ans s'est pendue dans une chambre d'hôtel. Elle y avait été placée par l'aide sociale à l'enfance (ASE). La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, interdit pourtant de placer les mineurs de moins de 16 ans en hébergement hôtelier. Mais il aura fallu attendre ce nouveau drame pour que vous fassiez paraître – enfin – le décret d'application correspondant, plus de deux ans après la promulgation de la loi.
Si entre 7 500 et 10 000 mineurs relevant de l'ASE sont hébergés à l'hôtel, c'est parce que nous ne parvenons plus à ouvrir de nouvelles structures, faute d'attractivité des métiers concernés. Un assistant socio-éducatif en début de carrière touche seulement 1 945 euros brut par mois. De ce fait, les recrutements sont de plus en plus difficiles. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour fixer enfin la rémunération des professionnels de l'ASE à la hauteur de leurs compétences et de leur engagement ?
Autre préoccupation : la pénurie des familles d'accueil. Alors que l'article 20 de la Convention internationale des droits de l'enfant prône le placement en famille plutôt qu'en foyer, le nombre de familles d'accueil chute en France. Entre 2016 et 2022, le nombre d'enfants confiés à l'ASE a augmenté de 25 %, et le nombre de familles d'accueil a baissé. Résultat : durant cette période, le nombre d'enfants placés en famille d'accueil est passé d'un sur deux à un sur trois. La loi Taquet a ouvert la possibilité aux assistants familiaux d'exercer une autre activité professionnelle, mais cette possibilité est encore peu utilisée. Par ailleurs, le parcours pour devenir famille d'accueil demeure long et difficile. Quelles mesures comptez-vous engager pour rendre le statut d'assistant familial plus attractif, tout en garantissant le bien-être et la sécurité des enfants placés ?
Enfin, dernier point et non des moindres, beaucoup de jeunes confiés à l'ASE se trouvent livrés à eux-mêmes lorsqu'ils atteignent l'âge de la majorité, faute de contrats jeune majeur. Le rapport « Laissez-nous réaliser nos rêves ! » du Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ), publié en juin 2023, souligne que l'accès des jeunes majeurs à leurs droits fondamentaux relève du « parcours du combattant ». La situation qui en résulte doit être rappelée avec force : un quart des personnes sans domicile fixe nées en France sont d'anciens enfants placés. C'est une honte pour la France ! Ces enfants nous sont confiés, et nous les accompagnons si mal que nous les menons à la rue.
En outre, la loi « immigration », adoptée en décembre 2023, interdit aux mineurs isolés ayant reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF) de bénéficier d'un contrat jeune majeur. La seule perspective que vous proposez à ces jeunes, c'est la rue ! Madame la ministre, quand allez-vous enfin soutenir les départements pour que tous les enfants confiés à l'ASE puissent bénéficier d'un contrat jeune majeur ? La réponse que vous avez faite à ma collègue Sophia Chikirou était pleine de bonnes intentions, mais vous n'avez annoncé aucune mesure et aucun moyen supplémentaire. Nous attendons des décisions précises.