Je suis membre de la commission de la défense. Monsieur Praud, je sais que vous aimez les éditoriaux antiphrastiques – l'antiphrase est un procédé rhétorique qui consiste à dire le contraire de ce qu'on pense pour instiller une idée, plutôt que de l'assumer pleinement. Permettez-moi donc une question en forme de pastiche.
Ignorer la menace que constitue un impérialisme étranger en lui préférant des combats de politique intérieure est malheureusement un classique des démocraties, qui, en d'autres temps, ont permis à certains d'entonner le terrible refrain « Plutôt Hitler que le Front populaire ». Je n'ose imaginer que votre chaîne pût choisir de minimiser la réalité des attaques russes contre nos démocraties afin de faire oublier les relations ambiguës qu'entretiennent l'extrême droite et le régime de Vladimir Poutine, susceptibles de gâcher la victoire annoncée comme inéluctable de la première aux élections européennes, ou afin de faciliter son accession au pouvoir. Je ne vous ferais pas ce procès, parce que je n'aime pas imaginer des journalistes complices de calculs politiciens ou coupables de spéculations cyniques. Ce procès, reconnaissons-le, beaucoup vous le font.
Votre chaîne est l'une de celles qui consacrent le moins de reportages de terrain à la situation en Ukraine. Elle est l'une de celles où les intervenants faisant preuve de mansuétude envers la Russie sont les plus représentés dans les débats. Certains y verront plus qu'un choix éditorial : un moyen au service d'un objectif politique. Cet objectif est-il compatible avec le cahier des charges auquel la chaîne a souscrit en contrepartie de l'obtention d'une fréquence de diffusion ? Certains se posent légitimement la question.