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Intervention de Jean-Christophe Thiery

Réunion du jeudi 29 février 2024 à 9h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Jean-Christophe Thiery, président du conseil de surveillance du groupe Canal+, gérant de CNews :

Je vous remercie de nous donner l'occasion de contribuer à vos réflexions dans le cadre de votre commission d'enquête. J'interviens devant vous ce matin en tant que gérant de CNews ; je suis également président du conseil de surveillance du groupe Canal+ depuis 2018. J'ai été président du directoire de ce groupe entre 2015 et 2018, après avoir été directeur général puis président de Bolloré Média entre 2001 et 2015. Au cours de cette période, j'ai eu la chance de vivre le lancement de la télévision numérique terrestre. Auparavant, entre 1989 et 2001, j'ai eu une carrière de fonctionnaire, notamment dans le corps préfectoral.

Parmi les personnes qui m'accompagnent, vous avez déjà entendu Gérald-Brice Viret, directeur général de Canal+ France, chargé des antennes et des programmes, et Laetitia Ménasé, secrétaire générale du groupe Canal+. Sont également à mes côtés Serge Nedjar, directeur général de CNews, Thomas Bauder, directeur de l'information, ainsi que trois grandes incarnations de notre chaîne, Laurence Ferrari, Sonia Mabrouk et Pascal Praud.

Je commencerai ce propos liminaire par une présentation rapide de notre chaîne.

CNews est aujourd'hui la deuxième chaîne d'information nationale, avec près de 9 millions de téléspectateurs cumulés par jour. Elle est désormais régulièrement la première chaîne d'information en France sur une base quotidienne – c'est le cas depuis le début de la semaine, lundi, mardi et mercredi – et sur une base hebdomadaire – c'était le cas, par exemple, pour la semaine du 12 au 18 février, pendant laquelle nous avons réalisé 2,8 % d'audience, devant BFM TV, LCI et France Info.

CNews, aujourd'hui, c'est également une quarantaine de rendez-vous d'information tous les jours, du direct entre six heures et minuit – hormis quelques rares émissions enregistrées auparavant –, des incarnations de référence, dont trois sont présentes devant vous, une rédaction de près de 200 journalistes entièrement dédiée à l'information des Français et, tous les jours, des dizaines de journalistes présents sur le terrain ou sur les plateaux de la chaîne.

Ce succès est le fruit du travail et de la persévérance de nos équipes depuis la relance de notre chaîne d'information en 2017, année durant laquelle CNews a succédé à iTélé.

Permettez-moi de revenir sur le point de départ de CNews, qui met en valeur tout le chemin parcouru. En 2017, les audiences de notre chaîne d'information se situaient à 0,6 %, très loin des performances du leader incontesté de l'époque, BFM TV. En 2016, le résultat d'exploitation de iTélé était gravement déficitaire, de l'ordre de 33 millions d'euros. Ces perspectives pas très joyeuses étaient assombries par l'aggravation de la concurrence sur le marché des chaînes d'information : l'État avait décidé de préempter une fréquence pour lancer France Info sur la TNT, tandis que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) avait autorisé, contre toute rationalité économique, le passage de LCI du payant au gratuit.

À partir de 2017, nous avons réalisé un important travail pour différencier notre chaîne de ses concurrentes, nouvelles et anciennes, et lui donner un avenir. Notre pari était double. Tout d'abord, nous avons voulu proposer aux téléspectateurs français une chaîne qui leur ressemblait et parlait aussi concrètement que possible de leurs sujets quotidiens de préoccupation. En second lieu, nous avons souhaité renforcer le décryptage de l'actualité, présenter de nouveaux formats, proposer une information moins verticale et plus participative, organiser davantage de plateaux permettant l'expression des opinions.

Ce pari s'est avéré gagnant, tant en matière d'audience qu'en termes économiques. Depuis 2017, l'audience de CNews n'a cessé de croître, passant de 0,6 % à 2,8 %, pour citer les résultats hebdomadaires mesurés il y a une quinzaine de jours, soit une multiplication par 4,5 environ. Corollaire de cette hausse, les revenus de CNews ont fortement augmenté depuis 2017, ce qui a permis à la chaîne de se rapprocher de l'équilibre financier. Alors que le déficit d'exploitation était de 33 millions d'euros en 2016, il a été ramené à quelques millions en 2023. Si vous le souhaitez, je vous donnerai après cette audition des chiffres plus précis que je ne peux citer publiquement. Dans l'hypothèse d'une prolongation de notre autorisation d'émettre l'année prochaine, CNews visera l'équilibre dès 2025.

Je terminerai ce propos liminaire en évoquant deux sujets qui, à mon sens, méritent réflexion au sein de votre commission.

Pour toutes les chaînes d'information, les conditions d'exercice du métier de journaliste en France se sont considérablement dégradées ces dernières années. Au fil des dernières crises, qu'il s'agisse des attentats qui ont frappé notre pays, du mouvement des gilets jaunes, de la crise sanitaire, des manifestations contre la réforme des retraites ou, plus récemment, des violences urbaines, nous sommes progressivement passés d'une situation où un binôme formé par un journaliste et un cadreur pouvait se rendre seul sur le terrain à une situation où deux agents de sécurité doivent accompagner nos journalistes pour les protéger et où l'anonymisation est requise. Cette évolution très inquiétante a bien entendu un coût élevé et croissant pour toutes les chaînes d'information. Nous pourrons vous adresser, si vous le souhaitez, des chiffres précis.

En second lieu, à côté des chaînes et des radios d'information régulées, les réseaux non régulés progressent. Il me semble que Maxime Saada, Gérald-Brice Viret et Laetitia Ménasé ont eu l'occasion de vous en dire quelques mots lors de la précédente audition. Une étude très intéressante du ministère de la culture et de Médiamétrie sur les jeunes et l'information révèle que 71 % des 15-34 ans consultent quotidiennement l'actualité sur les réseaux sociaux, lesquels sont donc, pour cette génération, le premier mode d'accès à l'information. Pour 32 % d'entre eux, les réseaux sociaux ou les moteurs de recherche sont même l'unique canal pour accéder à des contenus d'information en ligne. Nous avons donc, d'un côté, des médias régulés, ce qui est très heureux, et de l'autre, des réseaux dont la régulation est très faible et peu efficace, où l'information peut circuler sans modération, où les fausses informations ou fake news prolifèrent et menacent tout particulièrement les publics les plus jeunes et les plus facilement manipulables, qui sont souvent les mêmes.

Enfin, comme vous le savez, une erreur technique est à l'origine de la diffusion, le week-end dernier, d'un programme qui n'aurait malheureusement pas dû l'être. Serge Nedjar y reviendra si vous le souhaitez.

Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions et vous apporter toutes les précisions que vous estimerez utiles pour vos travaux.

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