Mesdames, messieurs les députés, je suis très heureuse de participer avec vous à ce premier débat sur les finances locales, tel qu'il a été prévu par l'article 7 de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, selon lequel le rapport sur la situation des finances publiques locales, publié le 5 octobre dernier, « peut faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat ». Le législateur a souhaité que l'examen de la loi de finances prévoie un vrai « temps des finances locales », et je ne peux que m'en réjouir.
Avec Gabriel Attal et Christophe Béchu, nous n'avons cessé de suivre une méthode renouvelée, voulue par le Président de la République et la Première ministre, fondée sur l'échange en amont avec les associations d'élus. Les rencontres ont été continues, notamment pour préparer le projet de loi de finances pour 2023, depuis les 1er et 2 septembre, dates auxquelles nous avons reçu l'ensemble des associations d'élus, jusqu'à la présentation du projet de loi de finances au Comité des finances locales (CFL), le 26 septembre, quelques heures après sa présentation en Conseil des ministres.
Ces échanges ont évidemment lieu avec les députés et les sénateurs. Je sais que vous êtes, comme Gabriel Attal et moi-même, attachés à construire et voter des dispositifs au plus près des réalités de nos territoires.
J'ai rencontré plusieurs d'entre vous à mon ministère lors d'échanges informels, sur le terrain lors de déplacements ou bien à l'Assemblée nationale, à l'occasion des premières auditions de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ainsi que devant les commissions saisies pour avis sur le projet de loi de finances. Je suis donc bien consciente de votre détermination et de votre investissement au quotidien pour répondre aux nombreuses demandes qui vous sont faites en circonscription, par vos concitoyens et par les élus locaux, afin de rendre vos territoires plus dynamiques.
Vous mesurez bien l'ampleur des défis auxquels notre pays doit faire face en ce moment, avec la progression inédite de l'inflation et la crise énergétique que nous connaissons. Face à cela, les collectivités locales ne sont pas sans atouts. La situation financière globale du secteur public local était plutôt favorable au 13 janvier 2022. Comme le montre bien le rapport sur la situation des finances publiques locales, cela n'était pas dû au hasard ! Il faut y voir l'esprit de bonne gestion budgétaire qui anime les décideurs locaux – beaucoup d'entre vous ayant exercé comme moi des fonctions locales en sont convaincus.
Il faut y voir aussi le résultat du soutien de l'État à l'occasion de la crise sanitaire. L'Assemblée a déjà adopté des dispositifs de filet de sécurité garantissant le maintien des ressources fiscales. Elle a également permis le financement du plan de relance qui a soutenu l'investissement local, lequel représente, comme vous le savez, 70 % de l'investissement public civil en France.
Mais face à l'évolution critique de la situation en 2022, le Gouvernement a proposé, dès cet été, des mesures fortes et protectrices dans la loi de finances rectificative que vous avez enrichie et votée. Ainsi, nous avons mis en place un filet de sécurité de 430 millions d'euros afin d'aider les communes et les intercommunalités les plus fragiles à faire face à la hausse du point d'indice ainsi qu'à l'augmentation du coût de l'alimentation et de l'énergie. Le décret d'application, paru aujourd'hui même, permettra aux communes qui le souhaitent de demander avant le 15 novembre un acompte.
Nous avons également alloué en 2022 120 millions d'euros aux départements qui versent le revenu de solidarité active, afin de compenser intégralement la hausse de 4 % de cette prestation prévue par l'État. Nous avons aussi instauré le recouvrement total par l'État auprès des régions de la hausse de 4 % des rémunérations des stagiaires de la formation professionnelle.
Ces mesures ont permis aux collectivités territoriales de faire face aux premières tensions liées à l'inflation et à la hausse des prix de l'énergie. Ce soutien de l'État est encore accentué dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, avec la prolongation du bouclier tarifaire, mesure qui permettra de limiter à 15 % la hausse des prix de l'électricité pour les plus petites communes, soit environ 80 % d'entre elles ; la prolongation d'un filet de sécurité sur l'énergie ; le quintuplement de l'enveloppe à destination des communes en grande difficulté, qui atteint un montant de 10 millions d'euros, et surtout le non-plafonnement des bases fiscales, afin de laisser toute l'autonomie aux collectivités sur leur dynamique fiscale.
Ces dispositifs permettent, vous le savez, de parer au plus pressé et ont vocation à être approfondis ou élargis si besoin. Ils permettront aux collectivités de faire face aux surcoûts financiers dans l'immédiat, mais il nous faudra aussi agir à d'autres échelles : à l'échelle européenne, d'abord, en cherchant, au niveau du marché européen de l'énergie, à réguler les prix et à capter les surprofits engendrés chez les grands groupes énergétiques par cette situation de tension ; à notre échelle, ensuite, en suivant les recommandations formulées par la Première ministre dans le plan de sobriété, qui comporte un volet consacré aux collectivités territoriales, établi en lien étroit avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et le milieu associatif. Ce sont des gestes simples et efficaces, que vous mettez sans doute en œuvre dans vos communes, et qui nous permettront de traverser l'hiver sans trop d'encombre.
Mais sortir durablement de toute forme de dépendance énergétique implique avant tout d'accélérer les transitions énergétique et écologique dans les territoires. C'est pourquoi le projet de loi de finances prévoit d'abord d'augmenter d'un tiers les moyens consacrés à la dotation biodiversité, qui avaient déjà été doublés en 2022, pour atteindre 30 millions d'euros en 2023.
Il prévoit ensuite d'instaurer un fonds vert, d'un montant inédit de 2 milliards d'euros. L'ensemble des projets éligibles et leurs caractéristiques doivent encore être précisés, mais la méthode d'attribution de ce fonds, elle, est bien arrêtée. L'obtention de financement se fera selon des règles simples, décentralisées et sans appel à projets. Tout partira des initiatives du terrain, des projets des élus, selon une méthode lisible et reconnue : celle du dialogue entre les élus et leur préfet de département ou de région.
Ce projet de loi de finances est également celui de la sécurisation des ressources locales, malgré les contraintes qui pèsent aussi sur les finances de l'État. Je suis convaincue que pour investir pour l'avenir, les élus locaux ont besoin de lisibilité à moyen et long terme sur leurs disponibilités financières.
Avec Gabriel Attal, nous avons donc proposé à la Première ministre une hausse de 320 millions d'euros de la DSU et de la DSR, financée, comme elle l'a annoncé, par l'État et non par écrêtement des autres communes. Un amendement du rapporteur général avait ouvert la voie, avec une augmentation de 210 millions, mais l'ampleur des hausses de coût de l'énergie a nécessité d'aller plus loin.
Cette augmentation de la dotation globale de fonctionnement est inédite depuis treize ans. Elle permettra à 95 % des communes de voir leur dotation maintenue ou augmentée. Il s'agit d'une véritable marque de confiance de l'État à l'égard des collectivités et des élus locaux. Une confiance et un souci de protéger les marges de manœuvre financières qui transparaissent également dans le maintien des dotations d'investissement – dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID), dotation politique de la ville (DPV) et dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) – à un montant de près de 2 milliards d'euros, comme d'ailleurs l'année précédente.
Enfin, la volonté de sécuriser les finances locales a également guidé l'action du Gouvernement dans le choix des modalités de compensation aux collectivités locales de la suppression de la CVAE. Elle sera en effet intégralement compensée par l'attribution d'une part supplémentaire de TVA, mais aussi de sa dynamique qui, dès 2023, sera destinée aux territoires qui accueillent de nouvelles activités économiques, selon des critères que nous établirons de façon concertée à partir des prochains jours.
L'année prochaine, la compensation correspondra aux sommes que l'État aurait dû verser aux collectivités en 2023 au titre de la CVAE. Rien ne sera conservé par celui-ci et il n'y aura pas d'année blanche. Là encore, c'est une exigence que vous étiez nombreux à défendre, parlementaires comme associations d'élus, et nous avons été à l'écoute des remontées du terrain.
Il ne s'agit là que des éléments saillants des concours de l'État aux collectivités en 2023. Gabriel Attal et moi-même aurons l'occasion de vous les présenter en détail lors de l'examen du projet de loi de finances.
Vous le voyez, face à l'évolution de la situation des finances locales, l'action du Gouvernement a été guidée par un seul but et une seule méthode. Un seul but : protéger les collectivités afin de préserver leurs marges de manœuvre financières. Elles portent l'investissement public et sont, à cet égard, le fer de lance de la transition écologique. Une seule méthode : l'écoute et la concertation.
Nous restons attentifs aux préoccupations des élus. Les orientations que nous avons exposées répondent, je le pense, à leurs inquiétudes et illustrent la confiance renouvelée du Gouvernement à l'égard des élus locaux. Oui, les élus locaux sont les fantassins de la République !