L'espace est devenu crucial pour nos sociétés, nos concitoyens et nos économies. Il s'agit d'un lieu d'exploration, de communication, de coopération et de croissance, mais aussi, de plus en plus, de compétition.
Le secteur spatial, en expansion rapide, voit apparaître de nouveaux défis liés au partage équitable et sécurisé d'un espace commun. Face à la croissance exponentielle du nombre de satellites en orbite et au risque accru de collision avec des débris spatiaux, l'Union européenne doit prendre l'initiative de réglementer ces activités. Nous devons avoir l'objectif d'assurer un usage pacifique et durable de l'espace, en accord avec les traités internationaux.
Plus de 30 000 satellites devraient être en orbite en 2030 : cette cohabitation ne peut se passer de règles. Or aucun cadre réglementaire international ni européen ne régule encore le trafic spatial. C'est pourquoi nous partageons l'objectif de votre proposition de résolution, madame Rilhac – permettez-moi aussi de saluer David Amiel pour l'investissement dont il a fait preuve.
Une norme européenne permettra d'établir un cadre commun de sécurité des opérations spatiales. Elle doit traiter trois sujets fondamentaux : la gestion des débris, les nouvelles activités en orbite, et l'utilisation des ressources spatiales. Ce socle de normes contribuera à préserver le bien commun qu'est l'espace. Si nous n'agissons pas, les projets de mégaconstellations issus des secteurs privé et public risqueront de transformer l'orbite basse en zone de non-droit ; cela aurait des conséquences catastrophiques sur nos services spatiaux civils et militaires. Dans ce contexte, comment agir ? Nous devons avant tout minimiser les risques de collision et établir un code de conduite européen à valeur prescriptrice.
La gestion du trafic spatial repose sur deux piliers : d'une part, des règles communes, d'autre part, l'application et le contrôle du respect de ces règles, qui suppose de se doter de capacités de surveillance. En ce qui concerne les règles communes, deux points me paraissent importants. Tout d'abord, le futur texte européen doit répondre aux problèmes de sécurité et de durabilité des activités en orbite. Ensuite, il doit favoriser la compétitivité de notre industrie spatiale.
En effet, les entreprises françaises étant soumises à la LOS, il est fondamental d'étendre ce cadre légal aux acteurs européens et aux acteurs internationaux évoluant sur le territoire européen, afin de mettre tous les compétiteurs sur un pied d'égalité.
S'agissant du contrôle, je voudrais souligner l'importance, là encore, de construire notre autonomie en Européens, le défi consistant à renforcer la coordination tout en développement des capacités de surveillance et de suivi de l'espace. À cet égard, le programme EU SST, qui réunit désormais quinze États membres mettant en commun leurs moyens de surveillance, constitue un progrès ; la capacité européenne de surveillance est toutefois estimée à 5 % de celle des États-Unis, ce qui impose aux États européens des accords bilatéraux pour accéder au catalogue américain.
Je veux le dire clairement : nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation de dépendance. L'Europe doit se mobiliser. Son autonomie se révèle d'autant plus nécessaire que les technologies spatiales sont duales – utilisables à des fins aussi bien civiles que militaires, elles représentent autant de défis pour notre sûreté. Notre autonomie stratégique justifie la forte implication de la communauté de défense en Europe, ainsi que la reprise de cette affirmation dans la stratégie spatiale de l'Union européenne pour la sécurité et la défense, publiée en mars 2023.
Acteur essentiel de notre travail réglementaire et capacitaire, la communauté de défense envoie des satellites dont la liberté d'action, d'accès à l'espace, doit être préservée. Elle fournit en outre des ressources techniques de surveillance : 95 % des mesures échangées dans le cadre du programme EU SST sont d'origine militaire, 88 % proviennent du seul radar français Graves – grand réseau adapté à la veille spatiale. C'est en cela que la future loi européenne sur l'espace doit contribuer à la réduction des dépendances technologiques.
En ce sens, le programme EU SST est appelé à jouer en un rôle fondamental : en tant qu'investisseur public, il doit mobiliser des entreprises commerciales disposant de capacités de surveillance. Ce levier de la commande publique nous fera accéder plus rapidement à l'autonomie stratégique. Plus l'Europe gagnera en autonomie, plus elle sera forte pour défendre à l'échelle internationale notre vision de la gestion du trafic spatial.
Comme vous, madame la rapporteure, je suis convaincue que l'Union européenne et ses États membres devront avancer en cohérence avec les droits et obligations découlant des traités, des conventions internationales.
Votre proposition de résolution européenne comporte deux enjeux majeurs : d'une part, asseoir au niveau européen les efforts accomplis en la matière par la France ; d'autre part, assurer à nos concitoyens, qui ont notre industrie spatiale et nos spationautes en haute estime, que nous défendrons leurs intérêts – qu'il s'agisse de communications, de cybersécurité ou du bon fonctionnement des services auxquels ils ont quotidiennement recours, y compris au travail.
Alors que la Commission européenne prépare une loi spatiale, cette proposition de résolution envoie aux autres membres de l'Union un signal clair : la France est prête à y contribuer de manière significative.