Je souhaite vous interpeller sur la situation du logement à La Réunion, en particulier le logement social, qui connaît une crise sans précédent. Les livraisons de logements sociaux n'ont cessé de diminuer d'année en année. En un peu moins de dix ans, nous avons assisté à une chute vertigineuse du nombre de livraisons : en 2014, 3 386 logements ont été livrés ; en 2023, seulement 1 613.
Ce chiffre, que vous connaissez, est historiquement bas, alors que le nombre de demandeurs de logement social est inversement proportionnel. Chaque année, il augmente en moyenne de 9 %. Au 31 décembre 2023, on dénombrait 44 600 demandeurs de logement social à La Réunion. Ce chiffre est astronomique. Par ailleurs, il existe des disparités territoriales. Dans le Sud de l'île, où je suis élue, la demande progresse encore davantage : entre 2022 et 2023, le nombre de demandeurs de logement social y a augmenté d'un peu plus de 15 %. Or, en moyenne, seules 16 % de ces demandes parviennent à être satisfaites sur l'ensemble de l'île. Dans le Sud, 11 % des demandeurs de logement ont obtenu satisfaction ; les autres attendent toujours.
Les conséquences sont désastreuses. Les logements sont suroccupés, il n'y a pas de décohabitation : les parents, les enfants, les grands-parents habitent sous le même toit et rencontrent des difficultés sociales que vous connaissez également. En outre, le nombre de familles à la rue augmente. Heureusement, La Réunion est un territoire solidaire où les valeurs de la famille sont encore fortes. Néanmoins, étant donné le nombre de demandeurs – plus de 44 000 –, les valeurs familiales sont insuffisantes pour résoudre le problème du logement social.
Il y a également une incohérence à La Réunion. Ce département occupe la troisième place des départements où le prix du logement social est le plus élevé, alors que 36 % de sa population vit au-dessous du seuil de pauvreté. On s'attendrait plutôt à ce que les prix soient bas. La responsabilité de ce bilan désastreux est partagée, mais l'État a une part de responsabilité. Je pense notamment à la recentralisation dans le domaine du logement social. En effet, CDC Habitat, filiale de la Caisse des dépôts – CDC –, qui est elle-même une émanation de l'État, a mis la main sur les différents bailleurs sociaux, notamment la Sodiac – Société dionysienne d'aménagement et de construction –, la SIDR – Société immobilière du département de La Réunion –, la Semader – Société d'économie mixte d'aménagement, de développement et d'équipement de La Réunion –, et, plus récemment, la Semac – Société d'économie mixte d'aménagement et de construction.
On aurait pu penser que cela allait améliorer la situation. Or c'est tout le contraire : lorsque les collectivités avaient la main sur les bailleurs sociaux, on construisait plus de logements sociaux à La Réunion. Pourtant, certains avaient alerté sur le risque de recentralisation : à La Réunion, on connaît bien les situations de monopole et d'oligopole ; elles n'ont jamais rien apporté de bon. En définitive, deux grands bailleurs se partagent le marché du logement social, qui n'a jamais été autant en difficulté.
Eu égard à sa position privilégiée vis-à-vis de CDC Habitat, l'État compte-t-il demander des comptes à CDC Habitat et aux bailleurs et les contrôler, afin que l'on sache pour quelle raison les logements sociaux ne sortent plus de terre à La Réunion ?