S'agissant de l'intégrité morale et physique des journalistes, aujourd'hui, une agression est qualifiée d'infraction et ne devient un délit que lorsqu'une incapacité totale de travail (ITT) ou des facteurs aggravants sont constatés. Le SNJ n'est pas favorable à une modification de cette loi en l'état. En effet, aujourd'hui, les personnes particulièrement protégées exercent une mission de service public, ce qui n'est pas le cas des journalistes, même si l'on peut considérer qu'ils poursuivent une mission d'intérêt général. Nous ne voulons pas créer de distinction entre les journalistes et les citoyens, que nous côtoyons, et pour l'information desquels nous travaillons. Nous sommes très mesurés quant à la réelle efficacité d'une mesure qui voudrait protéger plus particulièrement les journalistes. Selon nous, il faudrait en revanche rappeler un respect de base de l'exercice de la liberté d'informer.
Ensuite, la deuxième mesure qui nous paraîtrait plus efficace concerne tout simplement le respect par les employeurs de leurs obligations de sécurité vis-à-vis de leurs salariés. Si un employeur estime que son salarié est en danger, il doit lui fournir l'équipement et les moyens financiers de se protéger efficacement dans l'exercice de ses fonctions ; ou systématiquement le représenter au tribunal correctionnel en cas d'agression.
Par ailleurs, la situation des correspondants à l'étranger illustre bien la déliquescence du respect du droit du travail par les employeurs vis-à-vis des journalistes. Ces journalistes travaillent sur tous les continents, fréquemment dans des zones de conflit ou des zones à risque. Sous couvert du respect des règles de territorialité de la sécurité sociale – aujourd'hui un citoyen français ne peut être couvert par la sécurité sociale que s'il réside plus de six mois en France –, les employeurs ont décidé de manière unilatérale de supprimer les cotisations sociales de ces travailleurs.
Simultanément, ces employeurs n'assurent pas un revenu suffisant à ces pigistes, qui leur permettrait de cotiser à la caisse des Français de l'étranger. Ces mêmes employeurs n'ont pas interpellé le Gouvernement, ni le ministère du travail, ni le ministère de la santé sur la situation de ces employés en matière de droits au chômage ou à la retraite. Nous menons aujourd'hui des démarches dans ce cadre – un colloque s'est notamment tenu au Sénat – pour tenter d'obtenir des modifications du code de la sécurité sociale et des engagements de la part des employeurs sur le respect du code du travail.
Les employeurs ne cessent de précariser les travailleurs à la pige. Aujourd'hui, quand un journaliste propose des articles aux publications du groupe Reworld Media, il lui est répondu que seul un contrat d'auto-entrepreneur sera proposé. Pourtant, l'auto-entreprenariat est interdit dans la presse et pour les journalistes. J'ai le sentiment qu'une des seules mesures qui pourrait faire peur aux employeurs serait un alourdissement radical des condamnations financières cas de non-respect du code du travail.