Tout d'abord, j'aimerais remercier mon collègue Elie Califer, rapporteur du texte, pour ce travail ô combien important pour nos populations. Je remercie également les associations guadeloupéennes et martiniquaises, qui œuvrent depuis tant d'années afin que soit reconnue la responsabilité de l'État et que les victimes soient indemnisées.
J'entends çà et là que l'État ne serait pas entièrement responsable, qu'il n'aurait qu'une « part de responsabilité ». Le spectacle que vous donnez est celui de grotesques calculs politiciens faits sur le compte de vies humaines. Honte à vous ! Tenter de réduire la responsabilité de l'État face à un tel scandale sanitaire est un crachat gluant à l'endroit de tous les ouvriers agricoles guadeloupéens et martiniquais qui ont été atteints d'un cancer – et beaucoup sont décédés des suites d'une maladie professionnelle. C'est également un doigt d'honneur au reste de la population, empoisonné par sa consommation alimentaire et en eau ; ceux-là aussi développent des cancers.
Et bien qu'il faille la saluer, nous ne pouvons nous contenter de la déclaration faite par le Président Emmanuel Macron en 2018, car comme on dit chez nous : Pawol an bouch pa chaj – la parole ne pèse pas lourd. Plus de 90 % d'entre nous, Guadeloupéens et Martiniquais, sont empoisonnés, et aucun antidote n'existe. Nous détenons le record mondial en matière de cancer de la prostate : chez nous, son taux d'incidence est plus de sept fois supérieur à celui observé dans l'Hexagone et partout ailleurs dans le monde.
Parallèlement, un écocide grave a été commis. C'est tout l'environnement qui est touché et c'est aussi toute l'activité économique qui en subit les conséquences : des terres sont devenues inexploitables et les activités de pêche ont été très réduites.
Ce cadre macabre étant posé, nous espérons que ceux qui tentent, face à notre triste constat, de minimiser la responsabilité de l'État, seront capables de faire preuve de respect et de décence envers nous, populations de la Guadeloupe et de la Martinique. J'en appelle donc, chers collègues de la majorité et madame la ministre déléguée chargée des outre-mer, à la retenue et à la mesure. Nous parlons là de familles meurtries par la perte ou par la maladie d'un proche. Ici, la politique politicienne n'a pas sa place ; descendez du train de l'indécence à bord duquel vous avez choisi d'embarquer. La Guadeloupe, la Martinique, la France entière vous regardent.
Il ne s'agit plus de déterminer la dangerosité de ces pesticides, ni même de constater l'ampleur du désastre écologique et sanitaire pour nos territoires et nos populations. Il faut, comme le propose le texte d'Elie Califer et de ses cosignataires, reconnaître la responsabilité de l'État, qui a autorisé les pesticides. Rappelons que dès 1979, le chlordécone avait été déclaré par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) « cancérigène possible » ; pourtant, il a été sciemment épandu sur nos terres de 1972 à 1993. En 1990, le produit a certes été interdit en France, mais le puissant lobby de la banane est parvenu à obtenir auprès du ministère de l'agriculture, donc de l'État, une dérogation permettant de poursuivre son épandage sur nos sols jusqu'en 1993. Cette autorisation a été signée par l'État, qui est donc responsable à part entière !