Intervention de Isabelle Rauch

Séance en hémicycle du jeudi 29 février 2024 à 9h00
Renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Rauch, présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Il y a deux mois, la commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport et du mouvement sportif, présidée par Béatrice Bellamy, a rendu un rapport que certains ont qualifié d'accablant. J'ai suivi avec attention ses auditions et pris connaissance de ses conclusions, comme vous tous. Je tiens à saluer le travail remarquable accompli par sa présidente, Béatrice Bellamy, par sa rapporteure, Sabrina Sebaihi, et par chacun et chacune de ses membres.

La commission a fait le choix de se focaliser principalement sur les violences sexuelles. Ses membres ont su dépasser les clivages partisans au service d'un objectif commun : la lutte contre les violences sexuelles dans le sport, dont l'ampleur a été révélée il y a presque cinq ans. La commission d'enquête a eu le grand mérite de démontrer que le mur de l'omerta s'est lézardé, mais qu'il n'est pas encore tombé. Cette libération si salutaire de la parole, nous la devons d'abord aux victimes elles-mêmes, qui ont osé affronter leurs traumatismes pour nous alerter et nous mettre face à nos responsabilités : protéger l'ensemble des pratiquants et en premier lieu les mineurs, qui sont les plus fragiles et les plus démunis face aux prédateurs sexuels.

Qui pourrait dire que rien n'a été fait depuis 2020 ? Sous l'impulsion de Roxana Maracineanu puis de l'actuelle ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, une véritable politique publique de l'éthique du sport est née, dans le contexte du repositionnement du ministère des sports sur des missions stratégiques et régaliennes. Une cellule de traitement des faits de violence a été instaurée pour recueillir la parole des victimes et diligenter au plus vite les enquêtes administratives appropriées. La hausse de 38 % du nombre de signalements sur la plateforme Signal sports en 2023 démontre que cet outil est de mieux en mieux identifié par les victimes.

Il conviendra de poursuivre le réarmement des services déconcentrés, qui ont déjà bénéficié de nouveaux effectifs en 2023 et en 2024. Qui dit hausse du nombre des signalements dit hausse du nombre d'enquêtes administratives, et les services départementaux peinent à absorber la charge de travail supplémentaire. Nous devons continuer de renforcer leurs effectifs ; je sais que nous pourrons compter sur la détermination de la ministre à œuvrer en ce sens. Les parlementaires de la commission des affaires culturelles, de l'éducation et des sports se tiendront à ses côtés pour obtenir de nouvelles créations de postes.

Le contrôle d'honorabilité constitue en quelque sorte le premier échelon de la prévention des violences sexuelles. Le Parlement n'a pas attendu la commission d'enquête pour se saisir de cette question, et je souhaite remercier les sénateurs à l'origine de cette proposition de loi adoptée au Sénat en 2023 et défendue par Claudia Rouaux à l'Assemblée nationale. Depuis 2021, tous les bénévoles soumis à l'obligation d'honorabilité peuvent être contrôlés automatiquement grâce à l'enregistrement de leur identité dans un système informatique. La montée en puissance de ce dispositif se poursuit, et le texte vise à l'accompagner. Son article 2 complète utilement l'arsenal déployé par les pouvoirs publics pour lutter contre les violences sexuelles, en imposant aux fédérations agréées d'informer le ministère lorsqu'elles ont connaissance d'un comportement constituant un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants. En outre, la création d'une interdiction administrative d'exploiter un établissement d'activités physiques et sportives permettra d'écarter rapidement les dirigeants de clubs qui ne respectent pas leurs obligations.

Au 1er février, 1,66 million sur 2 millions de bénévoles avaient été contrôlés. L'objectif est donc en voie d'être atteint, même si certaines fédérations ont pris un retard inacceptable dans le déploiement du dispositif. L'agrément de ces fédérations expirera à la fin de l'année ; nous comptons sur la fermeté de Mme la ministre.

Je remercie mes collègues de la commission des affaires culturelles, en particulier la rapporteure Claudia Rouaux, pour leur implication et pour leur adhésion au principe d'un vote conforme de la proposition de loi.

Je partage pleinement l'avis de la rapporteure : le contrôle d'honorabilité devra être étendu à de nouvelles catégories de publics, afin que l'ensemble des intervenants auprès de mineurs y soient soumis. Or pour l'instant, seuls certains bénévoles licenciés – les éducateurs sportifs, certains exploitants d'associations sportives et les juges et arbitres – font l'objet d'un contrôle automatisé. Comme la rapporteure, je souhaite que soit menée avec les fédérations sportives une concertation visant à ce qu'à l'avenir, toutes les personnes en contact avec des mineurs soient contrôlées. Faudra-t-il pour cela licencier l'ensemble des bénévoles, ou recueillir l'identité des intervenants réguliers sans les licencier ? Comment définir un intervenant régulier ? La loi-cadre que la ministre a annoncée sera l'occasion d'accentuer nos efforts pour mettre fin aux défaillances pointées par le rapport de la commission d'enquête et pour permettre à tous de s'engager en confiance dans la pratique sportive. 2024 sera ainsi une grande année pour le sport de haut niveau et pour l'éthique sportive. Dans ces deux domaines, c'est l'audace qui doit primer.

Je remercie à nouveau mes collègues de la commission des affaires culturelles, de l'éducation et des sports, pour leur implication et pour avoir voté à l'unanimité la proposition de loi.

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