Cette lucidité a d'abord demandé une prise de conscience collective, malheureusement toujours trop lente quand il y a des victimes. Elle a malgré tout permis d'engager une lutte sans merci pour éradiquer ces violences. Nous avons pour boussole un principe très clair qui nous guide chaque jour : la tolérance zéro. C'est en l'appliquant que, ces trois dernières années, nous avons considérablement renforcé notre arsenal.
Il comporte un volet répressif. Pour ne plus laisser passer ces violences, nous avons créé la cellule Signal sports, qui centralise les signalements de violences sexuelles et sexistes. Elle a déjà traité plus de 1 250 dossiers pour des faits de violences, dont 90 % à caractère sexuel. Une campagne a été lancée cette semaine pour mieux faire connaître le dispositif.
Nous mobilisons l'ensemble des leviers à notre disposition, à commencer par les leviers judiciaires. Un signalement systématique au procureur de la République, au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, rend possible de diligenter des enquêtes, y compris en l'absence de dépôt de plainte.
Nous actionnons également des leviers administratifs, par le biais d'inspections et d'enquêtes que la ministre n'hésite pas à lancer, d'autant qu'elle peut compter sur le renforcement sans précédent des moyens humains obtenus en 2023 et 2024 avec la création de 56 équivalents temps plein (ETP) consacrés aux enquêtes et aux contrôles destinés à assurer la protection des publics. À cela s'ajoutent des mesures d'interdiction d'exercer ou des fermetures d'établissements sportifs, y compris en urgence, pour faire cesser les maltraitances et prévenir tout risque de réitération.
Ces leviers sont enfin disciplinaires. Nous nous assurons que toutes les fédérations respectent bien leurs obligations en matière de lutte contre ces violences, notamment celles qui ont failli en la matière, parfois dans un passé pas si lointain.
Notre action collective, soulignons-le, commence à porter ses fruits, qu'il s'agisse des victimes, grâce à l'allongement des délais de prescription, en 2018 puis en 2021, ou des bourreaux puisque plus de 600 mesures d'interdiction d'exercer ont été prononcées et plus de 1 300 personnes ont été mises en cause.
Notre arsenal comporte également un volet préventif. Là encore, nous sommes montés en puissance en renforçant nos exigences et nos moyens, notamment au travers du contrôle d'honorabilité. Fondé sur la vérification des antécédents judiciaires, il vise à s'assurer qu'une personne ne fait pas l'objet d'une condamnation pénale incapacitante prévue par la loi. Auparavant limité aux 250 000 éducateurs titulaires d'une carte professionnelle, il a été étendu, grâce à la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, à plus de 2 millions de personnes, dont les éducateurs bénévoles, les juges et les arbitres, les maîtres-nageurs titulaires du brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique (BNSSA) ainsi qu'à toutes les personnes intervenant auprès de mineurs.
Depuis près d'un an, les services du ministère des sports se sont fortement investis pour traduire concrètement cette mesure sur le terrain. Nous avons déployé un dispositif efficace, qui, quoiqu'en grande partie automatisé – transmission par les clubs des données d'identité, développement d'un système d'information du contrôle de l'honorabilité –, donne aux services de l'État la faculté de procéder à des contrôles complémentaires ponctuels, sans jamais, je tiens à le signaler, pénaliser l'engouement pour le bénévolat sportif, ni faire peser sur les clubs locaux de trop fortes exigences.
Là encore, les résultats sont au rendez-vous. Les 40 000 nouvelles cartes professionnelles délivrées en moyenne chaque année font désormais l'objet d'un contrôle systématique. S'agissant des bénévoles, les fédérations, qui sont très attendues, se mettent en ordre de marche, comme en témoigne la multiplication par plus de deux des contrôles réalisés par la fédération française de football (FFF), par la fédération française de boxe (FFB) ou par la fédération française de handball (FFH). À la fin du mois de janvier 2024, 1,6 million de personnes ont d'ores et déjà été contrôlées et près de 300 incapacités et mesures de police administrative ont été prononcées – dont 129 incapacités et 16 mesures d'interdiction d'exercer à l'encontre d'éducateurs bénévoles.
Pourtant, des faits extrêmement graves sont encore régulièrement révélés, grâce autant aux médias qu'aux enquêtes que nous diligentons. Cela signifie que nous pouvons – et que nous devons – faire mieux encore. Tel est l'objet de cette proposition de loi, qui va contribuer, dès sa promulgation, à renforcer notre arsenal législatif.
À cet égard, je veux souligner le rôle précieux joué par Sarah Abitbol dans la rédaction de ce texte, saluer votre travail, madame la rapporteure, et me féliciter, plus largement, de l'esprit constructif qui a accompagné l'examen de la proposition de loi et conduit à un vote conforme dès la première lecture à l'Assemblée nationale.
Ce texte comporte d'importantes améliorations. L'une de ses avancées majeures consiste en l'introduction dans le champ sportif des modalités de contrôle d'honorabilité prévues dans le champ social et médico-social, dont la nécessité de consulter à la fois le bulletin n° 2 (B2) du casier judiciaire et le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais) lors du contrôle de l'honorabilité. Cela rendra notamment possible de déclarer l'incapacité, même en cas d'effacement du B2, dès lors que la condamnation concernée figure toujours au Fijais.
Il inscrit dans la loi l'annualité du contrôle de l'honorabilité et soumet les responsables d'établissements d'activités physiques et sportives (EAPS) à une obligation administrative de signaler d'éventuels comportements à risque au sein de leur club.
En outre, il introduit une mesure administrative d'interdiction de diriger de tels établissements pour ceux qui seraient peu enclins à lutter contre les violences à caractère sexuel ou qui seraient eux-mêmes mis en cause. C'est là sans doute l'apport majeur du texte. Les remontées de faits inquiétants seront ainsi systématisées et le préfet prendra, chaque fois que c'est nécessaire, des mesures administratives d'interdiction d'exercer.
Enfin, il ouvre la possibilité de sanctionner administrativement un président de club qui emploierait un éducateur sportif à l'encontre duquel le préfet aurait prononcé une interdiction d'exercer parce qu'il présente un risque pour les pratiquants.
Ce texte apporte une nouvelle brique à l'édifice que nous devons continuer à bâtir ensemble. Pour avancer dans cette construction, Amélie Oudéa-Castéra a lancé le 29 mars dernier le Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport, coprésidé par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana, dont l'un des chantiers concerne explicitement la protection des pratiquants contre toutes les formes de violences.
Le Gouvernement souhaite maintenant que le rapport de ce comité, fort de son approche transversale et concrète, marque l'ouverture d'une nouvelle étape dans la rénovation de notre modèle sportif. À partir de ses recommandations, une concertation sera menée dès le début de cette année 2024. Elle prendra toute sa place dans le cadre de la grande cause nationale. Elle associera notamment les acteurs territoriaux réunis localement dans les conférences régionales du sport (CRDS), le mouvement sportif représenté par ses structures faîtières que sont le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et le Comité paralympique et sportif français (CPSF) ainsi que par ses fédérations et ses ligues professionnelles, l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes), les parlementaires, notamment ceux impliqués dans le champ sportif, et des personnalités qualifiées issues d'horizons divers.
Elle s'appuiera sur les principales propositions du rapport, y compris celles dont l'ampleur et les modalités de mise en œuvre doivent être encore discutées, mais pourra également intégrer d'autres dimensions et mesures qui font l'objet de réflexions en cours, en particulier celles qui résultent des conclusions de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu'elles ont délégation de service public. Je remercie les députés qui ont œuvré en son sein et plus particulièrement sa présidente Béatrice Bellamy.
Ce temps de concertation prendra place au premier semestre pour aboutir, d'ici à la fin de cette année, à la construction d'un projet de loi pour rénover le sport français, qui portera l'héritage des Jeux de Paris 2024. Nous aurons dans ce cadre un débat essentiel pour améliorer l'éthique du sport français. Notre seule exigence est de toujours mieux protéger les pratiquants.