Votre question recouvre un enjeu plus vaste. Chaque département a sa propre politique d'accueil et il est difficile pour les opérateurs de travailler de façon uniforme. Les professionnels savent que, selon le département, les jeunes font l'objet de traitements différenciés. Quand on nous confie une mission, nous travaillons à l'accueil des jeunes en partenariat avec le département ; lorsque le processus réussit, au bout d'un an et demi, le jeune sort de l'aide sociale à l'enfance en étant autonome. Cette autonomie est bien entendu relative, mais un contrat d'apprentissage ouvre le droit à un titre de séjour, lequel ouvre à son tour le droit au logement.
Selon le département, les professionnels adaptent leur manière de travailler. Ainsi, la demande de titre de séjour va tantôt passer par le département, tantôt être adressée directement aux services de la préfecture. On se demande souvent quelle place tient le département : la loi prévoyait de la clarifier à travers la signature de contrats d'objectifs définissant les relations entre l'État et les services de l'aide sociale à l'enfance mais, si le département sert parfois de relais avec les préfectures pour la délivrance d'un titre de séjour, la situation est loin d'être équilibrée sur l'ensemble du territoire.
Quant aux réussites – dont nous sommes ravis – elles sont le fruit du travail des différents professionnels : travailleurs sociaux qui s'occupent de l'insertion professionnelle ; juristes qui préparent la demande de titre de séjour ; enseignants qui assurent l'apprentissage de français langue étrangère ; chargés de mission qui facilitent l'accès au logement. Nous mobilisons une pluralité de compétences où chacun participe à la coordination du projet au bénéfice de l'enfant. Dans ces conditions, il est décourageant d'apprendre que le mineur fait l'objet d'une OQTF, qui met à bas un an et demi de travail, a fortiori lorsque les fondements de l'OQTF sont fragiles. La plupart du temps, elle est justifiée par le fait que le jeune a des liens familiaux avec ses parents dans son pays d'origine. Mais heureusement que l'ensemble des mineurs non accompagnés ne sont pas des orphelins ! Reste qu'il s'agit souvent de relations ténues et, lorsqu'un jeune qui construit son parcours et son avenir en France est renvoyé pour cette raison, cela désoriente les professionnels.
S'agissant des conséquences de la loi « immigration », nous n'en avons pas encore pris la mesure et nous interrogeons nous-mêmes les départements sur la façon dont ils vont appréhender le problème. Nous avons la chance de travailler avec des départements où les choses se passent bien – on peut juger de leur volonté d'accueil aux moyens déployés ; mais, pour garder les yeux ouverts, nous savons qu'à certains endroits, la situation est nettement plus compliquée.