France terre d'asile a fait le choix, il y a plus de vingt ans maintenant, de prendre en charge les mineurs non accompagnés dans des établissements exclusivement dédiés. Nous sommes présents dans cinq départements – la Somme, le Pas-de-Calais, le Val-de-Marne, Paris et le Calvados – et l'on suit les jeunes dès le premier accueil, notamment à Calais, lieu hautement symbolique, jusqu'à leur accompagnement lorsqu'ils deviennent des jeunes majeurs.
Cet exercice est pour nous une réussite. Notre dernier rapport d'activité, sur le point d'être publié, montre que plus de 85 % des jeunes sortent de nos dispositifs avec un titre de séjour, plus de 55 % sont en contrat d'apprentissage – vous savez, comme nous, tout le travail qui a été fait pour valoriser cette formation – et, à terme, plus de 70 % d'entre eux obtiennent un CDI. La plupart restent dans leur département d'accueil, participant à la vie collective puisqu'ils y travaillent, ouvrant parfois des commerces. Ce sont autant de parcours de réussite et de bons exemples pour les jeunes qui arrivent.
Un travail d'accompagnement approfondi est mené auprès des jeunes pour les aider à trouver un emploi. Et désormais, forts de notre expérience, ce sont même les employeurs qui viennent nous demander s'ils seraient intéressés pour un apprentissage dans leur établissement – on fonctionne par promotion.
En matière de plaidoyer, rien ne vaut la réalité et le bilan concret de chacun de nos professionnels qui œuvrent tous les jours depuis plus de vingt ans. Je pourrai vous apporter des éclairages sur ce qui a été fait et qui fonctionne. Au bout de vingt ans, on peut avoir un regard assez acéré sur l'évolution constante de la législation s'agissant de l'accueil des MNA notamment depuis 2007, cette multitude de textes pouvant en effet conduire à rendre pour le moins un peu difficile non seulement l'accueil de ces jeunes pour qu'ils puissent entrer dans le dispositif de protection de l'enfance mais également leur sortie.
Je pourrais vous citer nombre d'articles de presse sur des jeunes qui ont été meilleurs apprentis de France et d'autres sur des patrons qui ont protesté contre une obligation de quitter le territoire français délivrée à l'encontre d'un de leurs apprentis.
Nos jeunes arrivent en moyenne à l'âge de 16 ans et demi et leur prise en charge dure environ un an et demi. Voir un tel travail mis à bas à cause d'une OQTF délivrée par une préfecture affecte évidemment le jeune en premier lieu, mais également les équipes éducatives. Et puis, ne nous leurrons pas : ces dix-huit mois représentent aussi un investissement. Pour toutes ces raisons, on trouve cela bien dommage.
S'agissant de l'impact d'une OQTF sur le contrat jeune majeur, je rappelle au préalable que celui-ci est mis en œuvre dans tous nos établissements et pour tous les jeunes majeurs pour que ceux-ci puissent bénéficier de l'accès au séjour. Ce contrat est donc pour nous un outil indispensable. On a pu observer depuis des années la réduction du délai de la durée des contrats jeunes majeurs, qui ne sont plus du tout systématiques jusqu'à l'âge de 21 ans. On aurait souhaité que les éléments de protection prévus dans la loi Taquet perdurent.
Aujourd'hui, les contrats jeunes majeurs reposent sur des négociations avec le département selon des objectifs à réaliser, mais sur une durée d'un an, voire de quelques mois seulement dans certains départements. Il y a là un véritable enjeu.
Quant à la fin du contrat jeune majeur pour les jeunes sous OQTF, on attend de voir les résultats qui vont venir très vite pour nous : on va être confronté très rapidement à des situations que l'on redoute.
S'agissant de la création d'un fichier pour les MNA délinquants, je souligne qu'il s'agit d'une population spécifique que l'on peut rencontrer notamment à Paris où nous contribuons à la coordination de plusieurs associations qui prennent en charge des jeunes qui font bien souvent l'objet d'une double mesure au titre de la protection judiciaire de la jeunesse. Mais ce que l'on constate avant tout, c'est que ce sont assurément des victimes. Le réseau de traite démantelé à Paris, il y a peu de temps, concernait des jeunes considérés à juste titre comme des victimes – que l'on parle de polytoxicomanie ou de commission d'actes de délinquance, ils sont soumis à des obligations ou des injonctions.
Il est en tout cas extrêmement difficile de prendre ces jeunes en charge dans nos établissements, mais quand cela se produit, c'est une véritable satisfaction pour tout le monde et ces jeunes sont les premiers à vouloir saisir la chance qu'on peut leur donner.
Je reste à votre disposition pour répondre à vos questions en m'appuyant sur notre expérience et sur ce que l'on fait au quotidien pour ces jeunes.