Cette vulnérabilité est pourtant encore aggravée, en ce moment même, par l'acharnement du Gouvernement à désorganiser la gouvernance française de la sûreté nucléaire afin de l'adapter aux start-up désireuses d'exploiter sans contrainte de petites centrales dans des sites Seveso : une folie ! Le nucléaire n'assurera donc ni notre indépendance ni notre souveraineté ; en revanche, il nous fait perdre un temps précieux dans la lutte contre le changement climatique, puisque même le scénario le plus optimiste ne prévoit qu'après 2040 l'entrée en service du sixième EPR 2 annoncé, ce qui nous conduirait à laisser s'accumuler les gaz à effet de serre au moment où nos émissions devraient tendre vers zéro.
A contrario, les énergies renouvelables sont produites par des technologies dont le coût diminue, de plus en plus efficaces, développables rapidement, facilement rapatriables. Elles représentent déjà 40 % de la production d'énergie primaire en Europe. Ma collègue Clémence Guetté a déposé l'an dernier une proposition de loi visant à garantir l'emploi et la souveraineté stratégique pour les filières industrielles renouvelables ; il ne reste plus qu'à l'inscrire à l'ordre du jour. En dépit de son fort potentiel, la France accuse un retard coupable, mis en évidence par la mission d'application de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dont j'étais corapporteur. Cette loi n'a d'accélération que le nom : près d'un an après sa promulgation, 70 % des décrets d'application n'ont pas encore été pris ! Incapable d'atteindre ses objectifs, le Gouvernement a préféré les évacuer complètement.
Puisqu'il est question des suites à donner à la commission d'enquête, nous formulerons plusieurs recommandations tournées vers l'avenir. Une véritable planification, démocratique et socialement juste, de la sobriété globale du pays, laquelle constitue autant un impératif climatique qu'une évidente variable de souveraineté. Une expertise de la capacité des filières à gagner en efficacité énergétique, en particulier dans le rythme de la rénovation thermique des bâtiments, ce qui vaudrait mieux que de supprimer 1 milliard au dispositif MaPrimeRénov', comme vient de l'annoncer Bruno Le Maire. S'agissant des technologies, il conviendrait d'étudier les conditions nécessaires à la réussite d'un mix énergétique entièrement renouvelable : développement des réseaux, des capacités de stockage, des interconnexions, sans oublier, pour une fois, la chaleur et le gaz renouvelables. L'électrification des usages impose également d'évaluer notre souveraineté en matière de minerais et de métaux.
Enfin, le groupe LFI – NUPES est convaincu que ces défis ne pourront être relevés que par le service public, non sous la forme d'une société anonyme à capitaux publics, mais en tant qu'opérateur réellement nationalisé, en mesure de proposer enfin des tarifs fondés sur les coûts de production plutôt que sur les aléas du marché, contre lesquels le dispositif post-Arenh négocié entre EDF et le Gouvernement ne parvient pas à prémunir nos compatriotes, nos collectivités, nos entreprises. La souveraineté énergétique résiderait alors dans la pleine et entière maîtrise publique du secteur, ainsi affranchi des intérêts privés au profit de l'intérêt général.