Je tiens à remercier nos collègues du groupe Les Républicains d'avoir mis à l'ordre du jour la question de l'indépendance énergétique. Il y a presque un an, la commission d'enquête rendait ses conclusions et formulait trente propositions. Il est pertinent de revenir sur ce travail et de mesurer le chemin parcouru.
L'invasion de l'Ukraine par la Russie a constitué un électrochoc. En réduisant le champ de l'approvisionnement énergétique, cette tragédie bouscule nos acquis – la paix et la coopération – et menace la pérennité de notre modèle énergétique. Je me réjouis que le gros de la vague soit derrière nous, mais les difficultés que nous avons rencontrées doivent guider une action politique déterminée, visant à renforcer la sécurité des approvisionnements.
Si c'est en Européens que nous sommes parvenus à faire face, la France doit suivre sa trajectoire propre, dans l'élan communautaire. Le rapport de la commission d'enquête insiste sur un point essentiel : l'énergie est synonyme de temps long, de projection et de préparation. Je regrette qu'une fois de plus, le Gouvernement renonce à présenter au Parlement un projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat. Ce dernier aurait dû être publié avant juillet 2023, comme le prévoit le code de l'énergie. Au contraire, la question énergétique est souvent réduite à des annonces partielles, dénuées d'objectifs chiffrés, loin de la programmation pluriannuelle de l'énergie 3 couvrant la décennie qui s'est ouverte le 1er janvier. En conséquence, nous sommes contraints de légiférer à contre-courant, texte par texte, sans cohésion assurée ; c'est regrettable, alors que la France a réitéré une volonté forte lors de la COP28.
Nous tendons vers un modèle nucléo-renouvelable décarboné. En toute logique, nous nous sommes prononcés sur un premier texte consacré au nucléaire, et sur un second consacré aux énergies renouvelables. En ce qui concerne le nucléaire, nous souscrivons à la nécessité de relancer la filière en achevant le chantier de la centrale de Flamanville et en construisant une première tranche de six nouveaux EPR. La loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, que nous avons adoptée au printemps dernier, introduit des avancées sans porter atteinte à la sûreté nucléaire. Le renoncement à la fusion de l'ASN avec l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) doit rester un acquis – obtenu, rappelons-le, grâce au vote d'un amendement de mon collègue Benjamin Saint-Huile.
De nombreuses propositions du rapport de la commission d'enquête méritent d'être retenues : tenir une position de fermeté sur la scène européenne afin de faire reconnaître le nucléaire comme une énergie décarbonée nécessitant un soutien financier ; mener une étude sur la prolongation de la durée de vie des réacteurs existants afin d'éclairer la LPEC tant espérée ; soutenir les capacités d'enrichissement d'uranium en France.
Nous ne pourrons réussir une transition énergétique complète sans nous appuyer sur les énergies renouvelables. La France accuse un retard en la matière, qui a d'ailleurs été sanctionné au niveau européen. La loi de mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables était donc indispensable. Elle a permis de prendre des mesures de simplification administrative, comme la reconnaissance de l'intérêt public majeur pour les projets d'énergies renouvelables ou le plafonnement de la durée d'instruction des demandes d'autorisations environnementales pour les projets situés dans les zones d'accélération.
Malheureusement, la question de l'acceptabilité des projets par les élus locaux et les populations a été mise de côté ; nous le regrettons, car elle est l'unique clé d'une écologie positive et non punitive.
D'autres propositions du rapport méritent une attention particulière : maintenir les concessions hydroélectriques dans le domaine public, et pérenniser le plan de sobriété de l'hiver 2022-2023.
Soucieux d'un travail parlementaire cohérent, nous appelons de nos vœux la présentation, dès que possible, du projet de loi de programmation de l'énergie. Ce sera l'occasion d'ouvrir de nouveaux chantiers, tout en renforçant ceux sur lesquels le Parlement s'est déjà prononcé.
J'aborderai pour finir un sujet indispensable, mais trop souvent négligé : la formation. Dans toutes les politiques nationales de relance ambitieuses – énergie, santé, éducation –, la formation des personnels dont nous aurons besoin sur le terrain est trop souvent laissée au second plan. Or nous ne réussirons pas la transition énergétique si nous ne formons pas dès à présent les jeunes aux enjeux de demain.