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Intervention de Sébastien Jumel

Réunion du mercredi 14 février 2024 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel, rapporteur :

Merci, monsieur le président, de m'accueillir dans votre commission et merci à Philippe Brun de m'avoir reconnu une paternité conjointe sur ce texte et de m'avoir proposé d'en être corapporteur.

Pourquoi sommes-nous à nouveau réunis autour de cette proposition ? Pour une raison d'intérêt général : protéger EDF et garantir que cette entreprise de service public assure et maîtrise la production d'électricité de notre pays, et qu'elle participe à la transition énergétique que nous appelons de nos vœux. Et aussi pour protéger les Français, nos artisans, nos très petites entreprises (TPE) et nos petites communes de la spéculation du marché, notamment des augmentations indécentes des prix lors des renouvellements de contrat.

Nous sommes réunis parce que, d'une manière transpartisane – une approche qui nécessite parfois des compromis –, nous avons eu à cœur de protéger ce fleuron industriel. Le combat pour EDF, nous le menons depuis de nombreuses années, depuis les premiers traités européens. Nous le menons ici avec force depuis 2020, en nous opposant au projet Hercule et au démantèlement de l'entreprise, à la privatisation des barrages hydrauliques et à l'augmentation des prix de l'énergie, qui reste une question d'une profonde actualité.

Dans le cadre de tous ces combats communs, mon collègue corapporteur et moi-même avons pris nos responsabilités pour présenter un texte qui fasse consensus.

Être rapporteur de cette proposition de loi, ce n'est pas rien pour un député communiste, en raison des luttes actuelles mais aussi de l'héritage que nos prédécesseurs, comme Frédéric Joliot-Curie et Marcel Paul, nous ont légué. Ma famille politique a contribué à construire un service public unifié pour assurer la souveraineté énergétique de la nation, grâce à la recherche appliquée et au nucléaire mais aussi à un statut particulier, les industries électriques et gazières (IEG), que vous avez démantelé. Il est crucial de le rappeler : si l'énergie a échappé au marché pendant des décennies, c'est grâce à ces combats politiques qui ont fait consensus à des moments décisifs, y compris dans le sang et les larmes de la Libération.

L'électricité a toutes les caractéristiques d'un bien commun : elle est difficilement stockable ; il est impossible de ne pas en consommer ; elle est indispensable à la satisfaction de nombre de besoins ; sa production et sa consommation ont des conséquences pour l'ensemble des usagers et en terme de souveraineté du pays. Nous avons besoin d'un outil public pour toutes ces raisons, mais aussi et surtout parce que le marché ne marche pas, qu'il est incapable de répondre aux enjeux de décarbonation de la production d'énergie. Illustration la plus criante de ces carences : le marché européen de l'énergie, qui repose sur la logique du merit order – ou préséance économique – et tend à rendre plus rentables les productions polluantes en période de crise comme nous venons de le vivre. D'ailleurs, en dépit de sa récente réforme, le marché européen de l'énergie restera un instrument peu efficace pour protéger les usagers contre la volatilité des prix.

Je déplore, comme nombre de collègues dans cette enceinte, la fausse nationalisation opérée par l'État, qui n'est pas à la hauteur. Et si nous proposons certaines mesures de correction aujourd'hui, nous devons reconnaître que de nombreux manquements vont demeurer, qu'il s'agisse de l'absence de loi de programmation énergétique, de l'augmentation arbitraire des tarifs réglementés de vente de l'électricité, de la suppression de ceux sur le gaz, sans dispositif de protection pour les usagers, ou encore du découpage de la loi de souveraineté énergétique, qui rend difficile une approche globale et stratégique.

Bref, nous sommes habitués, depuis 2017, aux revirements et aux errements de la majorité en matière de politique énergétique et nous devons constater que nous ne disposons toujours pas d'un cap clair. Même si elle ne peut pas traiter de tous les enjeux, nous pensons que cette proposition de loi peut apporter de premiers éléments de réponse. Il s'agit d'une proposition de loi modeste, humble, qui repose sur le plus petit dénominateur commun. Elle ne va pas aussi loin que le voudrait une partie de l'hémicycle : elle est un compromis et, à ce titre, elle a vocation à être provisoire. Il nous faudra aller plus loin lorsque nous serons aux responsabilités – mais c'est une autre histoire.

S'agissant de la tarification, cette proposition de loi se borne à respecter le droit européen, tout en élargissant – c'est un signal important – les tarifs réglementés de vente de l'électricité à l'ensemble des TPE et des petites communes.

Concernant le développement d'un outil industriel unifié capable de répondre aux enjeux, le texte ne fait pas le bilan des deux ou trois décennies de libéralisation européenne du marché de l'énergie, mais il affirme que seul le Parlement est souverain – et ce n'est pas rien – pour déterminer l'avenir de notre entreprise nationale. Il protège également Enedis de toute velléité de privatisation.

Philippe Brun, tous les groupes qui ont contribué à élaborer ce texte – y compris Les Républicains, faisant vibrer leur fibre gaulliste – et moi-même défendons ce compromis, seule voie possible pour aboutir à un vote conforme. Cela au grand dam de la majorité, qui continue sa politique d'obstruction, comme l'illustrent les amendements déposés.

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