Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Séance en hémicycle du lundi 26 février 2024 à 21h30
Décentralisation des politiques publiques agricoles

Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée :

Je remercie le groupe LIOT d'avoir proposé l'inscription de ce débat à l'ordre du jour. Cela me donne l'occasion de rappeler les préoccupations et les objectifs du Gouvernement en matière de simplification et d'adaptation de notre politique agricole aux réalités du terrain.

Nous engageons un tournant dans l'action publique avec l'ambition, d'une part, de faciliter la vie de nos agriculteurs en simplifiant les procédures et les normes partout où elles peuvent l'être de manière concrète dans l'action au quotidien des agriculteurs et, d'autre part, de s'engager pleinement, territoire par territoire, dans la transition et dans l'adaptation de notre agriculture au changement climatique.

Il y a près d'un mois, le Premier ministre, Gabriel Attal, a présenté un ensemble de soixante-deux mesures pour soutenir nos agriculteurs et renforcer la souveraineté alimentaire de notre pays. Ce plan prévoit notamment un volet pour simplifier et faciliter la vie d'agriculteurs confrontés à un empilement de normes tel qu'ils perdent du temps et parfois même le sens de leur travail.

Dix mesures de simplification immédiates, réglementaires comme législatives, ont été annoncées et leur déploiement a déjà commencé. Je pense en particulier à la simplification des curages des cours d'eau agricole – sujet de grande actualité après les inondations survenues dans le Pas-de-Calais –, qui a fait l'objet d'un décret publié, mais également à la réduction des délais de recours contre les projets hydrauliques et d'élevage – un décret a été transmis au Conseil d'État le 13 février et nos travaux se sont inspirés de ceux réalisés dans le domaine des énergies renouvelables.

Je pense aussi à la réduction des délais de contentieux des projets relatifs à la gestion de l'eau par la suppression d'un niveau de juridiction, également inspirée par notre politique en matière d'énergies renouvelables – un décret a été transmis au Conseil d'État –, et par l'application de la présomption d'urgence – un article a été intégré au projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, lui-même transmis au Conseil d'État.

Parmi ces dix mesures, on trouve la simplification et l'unification des quatorze régimes applicable aux haies, sujet abondamment commenté par plusieurs parlementaires – un article sur ce sujet est intégré au projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles. Je citerai aussi la révision des procédures de contrôle – une mission interinspections a été lancée cette semaine.

Nous souhaitons que ce choc de simplification advienne également au niveau européen. Ainsi, nous avons saisi la Commission européenne et travaillé avec nos partenaires pour alléger la charge administrative qui pèse sur les agriculteurs. Plusieurs victoires ont déjà été obtenues, je pense notamment à la dérogation sur les jachères – particulièrement adaptée cette année – ou encore à la rationalisation des contrôles applicables aux agriculteurs, en facilitant en particulier l'application du droit à l'erreur.

Le 26 janvier, le Premier ministre a également annoncé le lancement du « mois de la simplification », dont l'ambition serait, en partant du terrain et du point de vue de l'agriculteur, de travailler dans chaque département, avec les préfets, pour faire remonter des propositions de mesures de simplification, qui pourraient ensuite se traduire par la modification de normes par arrêté préfectoral. Dans ce cadre, 2 500 propositions de nature très diverses ont déjà été recueillies ; certaines ont déjà permis la modification de soixante-trois arrêtés préfectoraux et d'autres sont encore en cours d'instruction dans les départements, sachant que toutes n'impliqueront pas de telles modifications. En tout état de cause, nous défendons une démarche ascendante qui doit permettre de mieux comprendre, à partir de cas très concrets, la nature des mesures de simplification que nous pouvons appliquer.

Notre approche a donc consisté à nous mettre à la place des agriculteurs et à chercher à simplifier les démarches qu'ils doivent réaliser, en évitant les redondances, à mieux appliquer, sur le terrain, le droit à l'erreur pourtant institué il y a quelques années – quand on regarde les choses de près, il ne trouve pas toujours de traduction concrète –, et à améliorer l'accompagnement des usagers dans la sollicitation de différents dispositifs.

La contribution des organisations syndicales, des organismes consulaires et mutualistes, des organismes d'expertise et des collectivités à ce chantier de simplification a été précieuse.

Le 21 février, Marc Fesneau, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, a réuni le Conseil supérieur d'orientation agricole (CSO) pour un premier exercice de simplification dont le suivi mensuel sera assuré jusqu'à l'été.

Comme vous le constatez, nous nous attaquons à la simplification sur tous les fronts. Nous sollicitons les représentants des agriculteurs, nous partons du terrain, nous agissons à l'échelon européen et nous nous fondons sur les difficultés que les parlementaires ont eux-mêmes pointées dans leurs travaux.

En matière d'agriculture, il faut évoquer les différentes situations territoriales. Les particularités de la vigne des Pyrénées-Orientales ne sont en effet pas celles de l'endive du nord de la France ou encore celles de la Salers du Massif central. Ceux qui les connaissent le mieux sont les acteurs locaux dans leur diversité, tout particulièrement les collectivités territoriales. Afin de renforcer l'efficacité de notre modèle agricole, elles devront donc être plus étroitement associées à l'élaboration des politiques publiques agricoles.

Associer, c'est d'abord concerter, ce que nous avons fait ces dernières années. Le pacte d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, présenté par Marc Fesneau le 15 décembre dernier, en est une preuve : construit grâce à une concertation de plusieurs mois, menée dans chacune de nos régions, y compris dans les outre-mer, il comprend trente-cinq mesures devant permettre la réconciliation entre agriculture et société et faciliter l'installation de nouveaux agriculteurs, alors que 200 000 agriculteurs sont susceptibles de prendre leur retraite dans les prochaines années.

Le remplacement des générations constitue un véritable défi. Vous en avez déjà parlé lors de la première heure de ce débat : France Services agriculture verra le jour pour le relever et pour accompagner les porteurs de projets agricoles en étant au plus proche leurs besoins. S'agissant des aides de la PAC, le plan stratégique national a été finalisé en 2022, après deux ans de concertation, avec les conseils régionaux notamment. Ceux-ci sont en effet les autorités de gestion des aides non surfaciques, c'est-à-dire non corrélées aux surfaces agricoles, attribuées au titre du deuxième pilier de la PAC relatif au développement agricole et rural – je pense notamment aux aides à l'installation et aux aides à l'investissement.

Associer, c'est faire confiance et accompagner les initiatives qui émergent dans les territoires. Les 438 projets alimentaires territoriaux recensés en France et soutenus par des collectivités, fédèrent par exemple différents acteurs, dont les citoyens, autour de la question de l'alimentation. De nouveaux lauréats d'un appel à projets national seront annoncés le 29 février. Cet outil, créé en 2014, fonctionne et tient compte des spécificités de nos régions, tout en impulsant une mobilisation collective.

Associer, c'est enfin faire ensemble. En matière de restauration collective, la loi a assigné des objectifs ambitieux de montée en gamme à l'ensemble des acteurs publics : l'utilisation de 50 % de produits durables ou de qualité, dont 20 % de produits issus de l'agriculture biologique, ainsi que l'utilisation de 60 % de produits durables et de qualité pour les viandes et poissons – ce dernier taux devant atteindre 100 % pour la restauration collective de l'État.

Le travail est mené au niveau de chaque type de collectivité territoriale : les communes pour les écoles primaires, les départements pour les collèges et les régions pour les lycées. Nous avons mis à leur disposition un outil numérique qui permet le suivi des objectifs : la plateforme « ma cantine ». Seuls 5 000 établissements ont renseigné les informations relatives à ces objectifs : il est donc permis de penser que des progrès restent à accomplir avec les collectivités locales, notamment pour partager les bonnes pratiques de suivi des recommandations et des obligations fixées en matière d'approvisionnement des cantines en produits de qualité, issus de l'agriculture biologique et consommés en circuit court.

Dans le cadre de la gestion de la crise agricole actuelle, le Gouvernement adressera bientôt un courrier aux collectivités locales leur demandant l'inscription de leurs restaurants sur la plateforme numérique « ma cantine ». Un diagnostic partagé pourra ainsi être établi et, lors d'une conférence des solutions, que nous organiserons au début du mois d'avril, nous pourrons échanger sur les bonnes pratiques et des mesures d'améliorations qui n'engendrent pas de charge budgétaire supplémentaire et dont l'efficacité a été démontrée par l'expérience de collectivités locales.

Simplifier, adapter et coconstruire sont les maîtres mots de l'action que nous souhaitons, avec Marc Fesneau, mener au plus près des territoires.

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