Intervention de André Chassaigne

Réunion du mercredi 7 février 2024 à 15h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Je salue la qualité de ce rapport dont je ne peux que partager les conclusions. Tout d'abord, je suis en total accord avec votre appréciation sévère, mais ô combien objective, de l'efficacité du marché carbone européen et de son projet de réforme. Je suis aussi en accord total également avec votre analyse des risques inhérents à un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières vis-à-vis de l'industrie européenne et française.

Je présenterai deux remarques. La première concerne l'alignement permanent de la politique européenne sur la doxa libérale de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce dogmatisme libéral annihile toute capacité de mettre en place des systèmes ou des mécanismes efficaces pour réindustrialiser notre pays. Le meilleur exemple est la critique portée par le rapporteur sur le risque majeur de contournement et d'adaptation des grands groupes transnationaux et des pays tiers du nouveau mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF). Les instruments choisis ne sont pas les bons, pour la simple et bonne raison que le capital européen a pesé de tout son poids pour ne pas être entravé dans sa liberté de poursuivre ses stratégies financières. Stratégies qui sont assises sur les délocalisations industrielles dans les pays à bas coûts de main-d'œuvre et les importations de produits finis. On ne peut pas continuer à vouloir décarboner sans s'attaquer à la financiarisation et au coût du capital dans la gestion de nos entreprises industrielles. Je salue d'ailleurs votre proposition d'instaurer un mécanisme bien plus simple, fondé sur une taxation à l'entrée sur le marché européen basée sur le mix énergétique et électrique du pays d'origine. Certes, il y a incompatibilité avec le actuel de l'OMC. La simple raison climatique nous appelle pourtant à franchir le pas au plus vite.

Ma deuxième remarque porte sur l'enjeu déterminant de l'électrification rapide des processus de production de notre industrie. Plutôt que de poursuivre dans la voie aussi obsessionnelle qu'inefficace des outils de la finance carbone, le levier prioritaire devrait être celui de l'incitation à l'électrification de tous les usages actuels, avec la maîtrise et la sécurisation des prix de l'électricité pour nos consommateurs industriels. Si, comme on le dit souvent, l'électricité est l'industrie de demain, alors il faut sécuriser les industriels sur le long terme avec des prix réglementés et bas. Quitte à paraphraser le très libéral économiste Ricardo pour essayer de convaincre les plus libéraux de cette commission, il faut que les industriels soient incités au plus vite à bénéficier de l'avantage comparatif majeur que constitue une électricité décarbonée à des prix stables sur longue période, inférieurs aux prix du pétrole, au gaz ou au charbon dans la détermination des coûts de production. Nous savons tous que le mix électrique français sera pour cela un atout considérable pour peu que l'on ne se laisse pas séduire par les sirènes de la libéralisation aveugle ou de l'abandon d'une filière aussi essentielle que notre industrie électronucléaire. Cela ne surprendra personne, mais je suis plus que jamais convaincu que nous n'y arriverons pas sans la reconstruction d'un grand service public de l'énergie, autour d'Electricité de France (EDF) et d'ENGIE renationalisés, et en sortant l'électricité des mécanismes de marchés européens.

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