Intervention de Danielle Simonnet

Réunion du mercredi 7 février 2024 à 15h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Simonnet, rapporteure :

Monsieur Haddad, avoir pour seul argument la thèse complotiste ferait rire si le sujet n'était pas sérieux. Vous avez déjà utilisé cet argument dans le cadre de la commission d'enquête parlementaire que vous avez présidée. Un consortium de journalistes se saisissant d'une quantité importante de données relèverait donc du complotisme ? Mais voir du complot là où il n'y en a pas, c'est cela, le complotisme.

En revanche, ce qui est vrai et nous a été confirmé par le commissaire Nicolas Schmit nous a confirmé que la France jouait un rôle déterminant dans le torpillage de cette directive. La France essaie en effet d'imposer une dérogation générale qui permettrait aux États membres organisant un dialogue social entre les travailleurs des plateformes et ces dernières de se soustraire aux obligations prévues par la directive. Le précédent ainsi créé aurait pour effet que tout progrès social instauré au niveau européen pourrait faire l'objet d'une dérogation dès lors qu'un État membre affirmerait mener un dialogue social sur le sujet.

Le projet de directive établit qu'un travailleur est considéré comme salarié s'il remplit deux critères révélateurs d'un lien de subordination sur cinq. Par exemple, si le travailleur ne fixe pas lui-même ses tarifs, c'est qu'il n'est pas indépendant. Mais pour la France, si un accord sur un tarif minimum a été passé dans le secteur concerné entre les plateformes et les représentations des travailleurs, alors le critère du tarif ne peut pas être invoqué. Avec la dérogation française, il serait encore plus difficile pour un travailleur de faire reconnaître son lien de subordination et d'obtenir sa requalification. La position française est alignée sur les plateformes et « roule » pour Uber. L'exécutif français ne s'oppose pas aux accords de libre-échange de la même façon qu'il se range du côté des plateformes et s'oppose au progrès social. Par conséquent, qui, ici, est dogmatique ? C'est vous qui incarnez le dogmatisme de l'ultralibéralisme.

Un autre de vos arguments est intéressant : celui de la préservation des vrais indépendants. Je suis cette fois d'accord avec vous, mais le meilleur moyen de les protéger est de requalifier les faux indépendants en salariés, de ne pas appeler faussement « indépendants » ceux qui sont en réalité dans un rapport de subordination et qui organisent ainsi une concurrence déloyale vis-à-vis des vrais indépendants.

J'ai parlé du nombre de petites entreprises et d'artisans subissant actuellement une concurrence déloyale de la part de ces plateformes. Selon la directive dans son état du 13 décembre, c'est à ces dernières de démontrer qu'elles ont affaire à de vrais indépendants.

J'entends également dire qu'il n'y a pas lieu aujourd'hui de voter car il n'y aurait pas encore d'accord signé. Mais c'est « le serpent qui se mord la queue ». En réalité, il y a un accord provisoire - et votre députée européenne Mme Sylvie Brunet s'en est félicitée - mais les négociations qui doivent reprendre demain ne reprendront pas sur la base de cet accord, sauf si nous prenons ici nos responsabilités en votant pour cette proposition de résolution et en faisant pression pour que l'exécutif français, non seulement respecte la représentation nationale, mais respecte la représentation européenne. Sans cela, la France imposera sa ligne et sa dérogation générale, dont nous n'avons jamais discuté à l'Assemblée nationale et qui n'a jamais été débattue par le Parlement européen.

Les collègues du Rassemblement national m'ont également opposé les mesures européennes envisagées sur les travailleurs illégaux, mais ne nous trompons pas de débat : nous parlons ici des travailleurs des plateformes. Dès lors que le statut de travailleurs salarié est reconnu, cette question se pose dans le cadre du salariat et la circulaire Valls s'applique en matière de régularisation. Mais la situation n'est pas la même dans chaque pays.

Je souhaite remercier mes collègues des groupes, GDR, écologistes et socialistes pour leurs interventions. Nous partageons cette volonté de participer à l'histoire de l'Europe sociale.

Pour les collègues du groupe Démocrate, attention à ce que votre vote ne défasse pas ce qu'ont fait vos collègues au niveau européen ! C'est la première fois, non seulement que l'Union européenne peut porter un tel progrès social, mais aussi que nous pouvons être fiers de l'œuvre accomplie collectivement. Voter contre cette résolution, c'est voter contre le travail accompli par Mme Brunet. Il est essentiel de soutenir cet accord et que ce travail puisse se poursuivre dans l'hémicycle.

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