Vous avez brièvement évoqué l'OFB et certaines de ses missions, mais permettez-moi de compléter cette présentation. Je vous ai d'ailleurs transmis un PowerPoint qui pourra éclairer mes propos. L'OFB est donc une institution relativement récente, issue de la fusion d'établissements anciens et bien connus. Avec ce grand opérateur de la biodiversité né le 1er janvier 2020, la France s'est dotée d'un opérateur de référence sur l'eau et la biodiversité. Il est chargé de contribuer à la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité, ainsi qu'à la gestion équilibrée et durable de l'eau, en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique.
L'OFB dispose de compétences étendues et intégrées ainsi que de leviers d'action complémentaires, notamment avec la police de l'environnement et la police sanitaire de la faune sauvage, la connaissance, la recherche et l'expertise sur les espèces, les milieux et les usages, l'appui aux politiques publiques, la gestion et l'appui aux gestionnaires d'espaces naturels et la mobilisation des acteurs et des citoyens.
Au-delà des 3 000 agents qui œuvrent au sein de l'OFB, l'organisme dispose également de possibilités financières pour soutenir ses actions sous l'autorité de ses tutelles, à savoir le ministère de l'environnement et le ministère de l'agriculture. L'OFB mène ainsi une politique ambitieuse de financement et de contribution à divers programmes, qu'il s'agisse de subventions ou de programmes de recherche.
Ce programme d'intervention vise à soutenir la conception et la mise en œuvre de politiques publiques ainsi qu'à renforcer et accélérer la mobilisation des territoires, des acteurs et des citoyens pour opérer des changements profonds. L'OFB soutient également des projets dans des aires protégées. Je pense d'ailleurs, monsieur le président, que vous êtes particulièrement sensible au parc naturel marin de Mayotte, service qui relève de l'OFB et de ma direction. L'objectif est de faire de ces aires protégées des territoires d'expérimentation et de déploiement des stratégies thématiques de l'OFB, tout en renforçant les réseaux d'aires protégées.
De plus, l'OFB appuie des projets contribuant aux obligations de surveillance des écosystèmes et de qualité des eaux souterraines, de surface et littorales. Il contribue également au financement de la connaissance et de la recherche sur les milieux aquatiques, marins et terrestres, ainsi que sur les espèces. Enfin, il soutient le développement des infrastructures d'alimentation en eau potable et d'assainissement en outre-mer ainsi que l'amélioration des efforts de communication, de connaissance, de préservation et de restauration de la biodiversité ultramarine.
Les territoires ultramarins présentent une grande diversité environnementale et la création de l'OFB s'est accompagnée de la création d'une direction des outre-mer, dont j'ai la charge. Cette direction est le point focal de l'OFB pour les territoires ultramarins et est chargée de déployer la politique de l'établissement dans ces régions ainsi que d'adapter ou de développer des politiques spécifiques aux outre-mer.
Actuellement, cette direction compte plus de 210 membres, avec huit nouveaux recrutements prévus pour ce premier trimestre 2024. L'effectif se répartit entre 52 % de femmes et 48 % d'hommes, tandis que l'âge moyen s'élève à 38 ans. 190 personnes sont basées en outre-mer, car nous avons choisi délibérément qu'un maximum d'entre elles soit au contact des besoins et des connaissances. Parmi ces 190 personnes, 45 sont des inspecteurs de l'environnement et réalisent des missions de police de l'environnement. La direction des outre-mer est représentée dans neuf territoires, est répartie au sein de 24 résidences administratives et couvre huit des douze fuseaux horaires du territoire français et sept codes de l'environnement.
La direction des outre-mer est basée à Vincennes et organise les missions des services, qui comptent plus de 200 agents répartis dans cinq services départementaux et un service en collectivité à Saint-Pierre-et-Miquelon chargés de police de l'environnement. Elle dispose également de cinq délégations territoriales, présentes en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie – couvrant également Wallis-et-Futuna –, aux Antilles – couvrant également Saint-Barthélemy et Saint-Martin –, en Guyane et dans l'océan Indien – pour Mayotte et La Réunion. De plus, la direction gère les deux plus grands parcs naturels marins de France, à savoir ceux de Mayotte et de Martinique, ainsi que le sanctuaire Agoa pour la protection des cétacés aux Antilles.
Par ailleurs, des services spécialisés dans la connaissance des espèces et des milieux en outre-mer mènent des travaux de recherche et de préservation, notamment sur les espèces chassables ou les tortues en Guyane dans le cadre du plan national d'action.
Le budget alloué à la direction pour l'année 2024 s'élève à 52,5 millions d'euros et deux caractéristiques spécifiques de la direction sont définies dans le code de l'environnement : le soutien financier à travers l'attribution d'aides financières et, en particulier, à travers la garantie de la solidarité financière entre les bassins hydrographiques. Plus concrètement, l'OFB finance les besoins en eau et en assainissement en outre-mer, en mobilisant des montants nécessaires pour ces infrastructures. Le budget annuel pour ces projets se situait entre 20 et 22 millions d'euros auparavant. Toutefois, à la suite de l'annonce sur la résilience de l'eau par le Président Macron en mars dernier, ce budget va être doté à terme de 35 millions d'euros supplémentaires, cette année étant une année de transition avec 15 millions d'euros supplémentaires. Par conséquent, 55 millions d'euros seront disponibles pour financer l'assainissement et l'eau en outre-mer, ce qui représente un effort considérable et nécessaire. Nous avons également revu les dispositions pour faciliter le financement de projets d'eau et d'assainissement, notamment en élargissant les critères d'éligibilité et en augmentant les taux de financement.
Par ailleurs, nous avons reçu des dotations supplémentaires pour le financement de la biodiversité, portant le budget total à 52,5 millions d'euros cette année et à 65 millions d'euros à partir de 2025. En outre, la loi nous dit que nous pouvons mener, dans le cadre de conventions, des actions spécifiques à la demande dans les collectivités de Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, en apportant un soutien technique et financier si nécessaire.
Il est généralement dit que l'outre-mer abrite 80 % de la biodiversité française, mais nous ne savons pas si ce chiffre, bien que couramment utilisé, est vrai. Il s'agit d'une extrapolation basée sur certains groupes d'espèces et le nombre croissant de découvertes annuelles. Cependant, en prenant en compte les chiffres stricts, 108 151 espèces sont décrites en métropole, contre 98 534 en outre-mer. Toutefois, 80 % des nouvelles espèces découvertes ces dernières années proviennent des territoires d'outre-mer. Si les efforts de recherche se poursuivent, il est probable que l'outre-mer dépasse largement la métropole.
Ces régions sont réparties entre les différents océans – Atlantique, Pacifique, Indien – et abritent une biodiversité unique en raison de leur isolement géographique, de leurs conditions climatiques particulières et de la diversité des écosystèmes. Les territoires d'outre-mer sont connus pour leur grande richesse d'espèces endémiques, c'est-à-dire des espèces qui ne se trouvent nulle part ailleurs dans le monde. On dénombre ainsi 18 480 espèces endémiques en outre-mer, parmi lesquelles certaines ne sont présentes que sur un seul territoire, voire une seule commune. Certaines espèces sont donc en très grand état de fragilité. De plus, les espèces endémiques sont plus importantes dans les îles que sur le continent, car elles y ont évolué de manière séparée. Par conséquent, plus une île est ancienne, plus il est probable que son taux d'endémisme soit élevé. Par exemple, environ 30 % des espèces de la Nouvelle-Calédonie sont uniques au monde. En outre, l'endémisme est généralement plus important chez les espèces terrestres que chez les espèces marines en raison de l'ouverture du milieu marin.
Les territoires ultramarins sont des écosystèmes variés, avec des forêts tropicales, des récifs coralliens, des mangroves, des savanes en Guyane et des habitats marins. Chaque système a ses propres caractéristiques et, par exemple, Saint-Pierre-et-Miquelon abrite la seule forêt boréale française. Avec ses 54 000 kilomètres carrés de récifs coralliens répartis sur trois océans, la France héberge 10 % de la surface mondiale des récifs coralliens et est le quatrième pays corallien du monde.
Toutefois, nos territoires ultramarins subissent des pressions anthropiques, c'est-à-dire humaines. Malgré leur importance écologique, de nombreux écosystèmes des outre-mer français font face à des pressions fortes, avec la destruction de zones humides, la déforestation, l'urbanisation, la pollution, la surpêche et les changements climatiques.
À Mayotte, la densité de population atteint près de 815 personnes au kilomètre carré, contre 14,5 pour la Nouvelle-Calédonie et 3,4 pour la Guyane. Cependant, cette densité de population n'est pas un critère absolu de risque de dégradation. Ainsi, en Guyane, l'orpaillage illégal qui porte sur des territoires très peu peuplés cause de graves dommages environnementaux aux cours d'eau, de la déforestation et de la pollution par des métaux lourds. Cette pollution entraîne ensuite des répercussions sur les populations indigènes.
Ces territoires sont aussi très sensibles au changement climatique, avec l'élévation du niveau de la mer, des tempêtes tropicales – qui sont de plus en plus fréquentes – et l'acidification des océans, qui ont des répercussions graves sur la biodiversité. Vous avez tous en mémoire le récent cyclone Belal à La Réunion, l'activité sismique à Mayotte et la sécheresse de ces derniers mois. Les phénomènes de submersion sont quant à eux de plus en plus fréquents, comme en témoigne la récente dégradation de l'isthme de Miquelon-Langlade sous l'assaut de la mer. De plus, les discussions sont engagées quant aux déplacements potentiels de la commune de Miquelon-Langlade, confrontée à une urgence climatique et menacée par une possible immersion dans les années à venir. Un problème similaire se pose en Guyane, notamment avec le village d'Awala-Yalimapo, dont le territoire abritait l'un des plus grands sites de ponte de tortues vertes. Ces exemples illustrent la multiplication des effets du changement climatique sur les populations, leur environnement, voire même sur la survie des écosystèmes et des populations.
Concernant les richesses spécifiques des outre-mer, un outil important a été développé avec le soutien des ministères des outre-mer et de l'environnement : les compteurs de la biodiversité en outre-mer. Ils permettent d'informer et de mobiliser autour de la richesse des outre-mer. Nous nous efforçons de collecter un maximum de données et, par exemple, 555 nouvelles espèces sont décrites en outre-mer chaque année. À Saint-Pierre-et-Miquelon, on recense environ 2 000 phoques, qui forment la plus grande population de phoques en France. De plus, 80 % des territoires ultramarins sont couverts de forêts, tandis que 29 % des récifs coralliens y sont en diminution et que 25 % des mangroves nationales font l'objet de mesures de conservation.
Chaque territoire ultramarin dispose de son propre compteur et nous avons des exemples de restauration, de renaturation et de bonnes pratiques. Cet outil a été déployé au congrès mondial de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et est géré par une équipe de PatriNat, qui est une unité mixte entre le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) et l'OFB. Il constitue un outil essentiel pour informer et sensibiliser à la richesse de la biodiversité dans les outre-mer. Par exemple, 10 189 mollusques sont décrits en outre-mer et, bien qu'on se focalise souvent sur des espèces emblématiques, la richesse provient de tout l'écosystème qui agit en interdépendance. En conclusion, ces territoires sont riches et variés, mais également vulnérables au changement climatique et victimes de dégradations.