Le plan Orsec a été revu pour les Antilles et le risque volcanique a été réévalué, notamment pour les zones qui seraient impactées par une éruption, car nous avons maintenant une meilleure connaissance de l'historique. Par ailleurs, je vous répondrais non en ce qui concerne le risque climatique et il reste un travail à effectuer. Des travaux ont été réalisés par le BRGM sur les zones d'inondation en lien avec l'augmentation du niveau marin, c'est-à-dire les zones qui seront inondées dans les trente à cinquante ans à venir. Toutefois, je ne suis pas en mesure de vous répondre de façon globale.
Le message sur l'historique est fondamental : pour comprendre le futur, il faut comprendre le passé. L'acquisition de la donnée long terme est un paramètre fondamental pour comprendre l'évolution du système, car nous pouvons comprendre les processus, ce qui nous permet de mieux anticiper l'avenir, qu'il s'agisse des volcans, des séismes ou du changement climatique. Pour les volcans, nous observons l'évolution du système sur plusieurs dizaines de milliers d'années afin d'évaluer la récurrence des grandes phases éruptives. Nous sommes ensuite capables d'extrapoler cette étude pour prévoir ce qu'il pourrait se passer dans vingt ou trente ans en termes de tendances. En effet, les données acquises sont rentrées dans des simulations numériques de très haut niveau qui permettent d'anticiper ou de mieux comprendre ce que sera le futur. Nous avons donc besoin de personnes pour réaliser ces observations à long terme. Cependant, nous nous situons à la limite entre recherche, observation et surveillance et la recherche française, qui est de très haut niveau, fonctionne par appel d'offres. Par conséquent, l'observation de long terme, voire la surveillance, ne peut pas fonctionner avec des appels d'offres. En effet, lorsque vous déposez un projet, vous n'êtes pas sûr qu'il sera financé. Cependant, la compréhension du système ne peut pas être dépendante de crédits qui arrivent ou non.
La direction de l'IPGP a dû vous en parler et le phénomène concerne également les directeurs d'observatoire ou les membres des observatoires qui ne sont pas permanents. Il ne s'agit d'ailleurs pas de postes statutaires et les départs sont difficiles à gérer. Le système italien dispose quant à lui d'une structure, l'INGV, avec des personnes qui travaillent en permanence sur l'observation et la surveillance en lien avec la sécurité civile. Ce sont donc des chercheurs qui effectuent ce métier et qui conservent ce lien entre observation, surveillance et recherche. En France, ce système existe au niveau du Corps national des astronomes et physiciens (Cnap) et fonctionne très bien. Cependant, nous n'avons pas assez de personnel : la moitié des services nationaux d'observation, qui sont gérés au CNRS avec les autres organismes, le sont par des enseignants-chercheurs d'une université, car nous manquons de personnels Cnap ou CNRS dans ces observatoires pour réaliser cette surveillance et l'acquisition des données.
La dernière section créée au sein du Cnap est intitulée Océan-Atmosphère, sujet qui devient vraiment critique et nécessite un travail sur le climat. Actuellement, pour l'alimenter et recruter des jeunes, nous sommes contraints de prélever des postes au niveau de la Terre solide, c'est-à-dire des personnes qui font la surveillance volcanique et sismologique, ou de l'astronomie-planétologie. Concrètement, on alimente une section du corps en déshabillant les autres, car nous sommes conscients au CNRS qu'il est fondamental de travailler sur le changement climatique. Nous ne sommes tout de même pas dans la situation de l'hôpital français, mais nous rencontrons de réelles difficultés.
Dans la note que je vous ai transmise, nous avons travaillé sur cette notion de mission nationale d'observation et de recherche pour proposer de passer d'une fonction liée à des appels d'offres à une fonction régalienne, c'est-à-dire avec un engagement de l'État pour mieux se préparer à ces risques. Le coût annuel des catastrophes naturelles représente environ 10 milliards d'euros pour la France et les assureurs affirment que les risques naturels liés au changement climatique seront les risques majeurs des dix, vingt ou trente ans à venir. Le coût annuel en argent et en vies humaines va nécessairement croître et nous pensons qu'en anticipant mieux, nous pourrons atténuer modestement les conséquences du changement climatique. Par exemple, le cyclone Belal a été très bien géré grâce à une bonne anticipation. Une prise de conscience a lieu en recherche et à travers la nation sur le changement climatique et l'État se doit d'accompagner cet effort. Nous avons d'ailleurs les structures nécessaires et nous pouvons améliorer le système. Un léger effort d'amélioration de nos structures et des moyens financiers ou des postes associés seraient bénéfiques. En effet, si nous améliorons de 1 % l'anticipation, nous gagnons 100 millions d'euros par an : nous ne coûtons donc pas cher. Pour améliorer durablement la situation, nous estimons que 10 millions d'euros sont nécessaires par an, ce pour quoi nous sommes très rentables.