Intervention de Patrick Allard

Réunion du jeudi 1er février 2024 à 14h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Patrick Allard, directeur de recherche CNRS émérite à l'Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) :

La situation est plus compliquée pour les risques volcaniques, étant donné qu'on ne touche pas l'atmosphère et qu'on ne peut pas naviguer dans le magma pour faire des mesures in situ. Nous faisons donc de l'échographie et essayons de comprendre la dynamique des processus souterrains grâce à la sismographie et la géodésie. Avec des capteurs à terre et spatiaux, nous savons mesurer les déformations d'un volcan sous la poussée du magma ainsi qu'évaluer les secteurs du volcan qui pourraient éventuellement s'effondrer et engendrer des glissements de terrain dévastateurs. Nous mesurons également les émissions de gaz associées à la remontée du magma, depuis le sol ou depuis un satellite.

À nouveau, la prévention permet la prévision, mais ce n'est pas toujours aussi facile que pour la météo et les constantes de temps ne sont pas les mêmes, ce qui implique un degré d'incertitude nettement supérieur dans la prévision des phénomènes volcaniques par rapport aux phénomènes météorologiques. Un même volcan peut d'ailleurs produire différents types de dynamismes, même si nous avons des classes de volcans. Nous effectuons donc de la modélisation et nous nous penchons sur le passé éruptif du volcan pour en connaître à la fois le comportement habituel, les comportements erratiques, les dépôts, le type de magma émis et les conséquences possibles. Ce travail de documentation historique est un préalable à toute capacité de prévision. De plus, nous devons maintenir des réseaux de surveillance en temps réel avec des capteurs sismiques, géodésiques, géochimiques, etc. Plusieurs méthodologies peuvent être combinées et la vérité ne surgit que d'un travail d'équipe combinant toutes les disciplines.

En ce qui concerne le degré de résolution de nos capacités de prévision, nous avons nettement progressé au cours des deux ou trois dernières décennies dans la compréhension du fonctionnement des volcans et dans les capacités de détection des signaux précurseurs. Les technologies et développements instrumentaux ont en effet permis d'enregistrer d'importants progrès, mais des incertitudes subsistent, car nous n'observons pas directement les phénomènes avant qu'ils se produisent à la surface. Cette incertitude reste d'ailleurs parfois difficile à transmettre tant aux autorités qu'à la population.

Notre expérience des crises volcaniques, notamment vis-à-vis de ce problème d'incertitude et de durée des crises qui peuvent être longues, montre que l'éducation des populations, leur information, le fait de garantir la confiance des populations, la transparence des données entre les scientifiques, les autorités, la population et les médias sont absolument cruciaux. Nous devons donc poursuivre nos efforts dans les territoires d'outre-mer pour renforcer l'éducation et l'information, ce qui permet de mieux gérer la crise et les incertitudes.

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