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Intervention de Jean-Christophe Komorowski

Réunion du jeudi 1er février 2024 à 14h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Jean-Christophe Komorowski, responsable scientifique des observatoires volcanologiques et sismologiques de l'IPGP :

Pour ma part, je vais vous donner un aperçu des moyens dont disposent les observatoires sur les plans financier et humain, ainsi qu'en matière d'infrastructures.

Le budget hors salaires s'élève à 1,9 ou 2 millions d'euros par an, constitué à 38 % de fonds récurrents et à 68 % du produit d'appels d'offres compétitifs, nationaux et européens, que nous avons remportés. Nous recevons des financements de la part du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, du Fonds européen de développement régional (Feder) et des collectivités territoriales – à hauteur de 150 000 à180 000 euros par an. Les observatoires de Guadeloupe et de Martinique occupent des bâtiments construits par les collectivités territoriales avec l'aide du Feder et de l'État. Celui de Martinique, où travaille notre collègue Jordane Corbeau et qui est sans doute le plus beau du monde, a coûté 9 millions d'euros. La Guadeloupe va bientôt consacrer 1 million à l'extension de son observatoire. Le ministère de l'intérieur et des outre-mer nous accorde une subvention de fonctionnement équivalant à une douzaine d'heures d'hélicoptère de la sécurité civile aux Antilles et à La Réunion. Nous pouvons ainsi bénéficier, en début et en fin d'éruption, de deux heures d'hélicoptère de la section aérienne de gendarmerie. Ce n'est pas automatique : nous devons en faire la demande. Quant au Revosima, qui n'est pas inclus dans le budget susmentionné, il a coûté 17 millions d'euros en sept ans, soit quelque 2,4 millions par an.

Ce budget comporte deux points névralgiques. Le premier est évidemment la part importante qui n'est pas sanctuarisée mais dépend de notre réussite en matière d'appels à projets nationaux, européens et internationaux, ce qui demande beaucoup d'énergie et ne garantit pas une somme identique chaque année. Or les activités d'observation et de surveillance nécessitent un financement récurrent et stable sur plusieurs années. Le deuxième est lié à la nécessité de créer trois postes fonctionnels pour les directeurs ou directrices d'observatoires volcanologiques en outre-mer, afin que l'IPGP puisse recruter rapidement ces personnels en cas de mobilité.

En ce qui concerne les volcans, la France se trouve dans une situation inédite depuis plusieurs siècles avec la réactivation à différents niveaux de quatre zones volcaniques : le Piton de la Fournaise à La Réunion ; la montagne Pelée en Martinique ; la Soufrière en Guadeloupe ; le nouveau volcan qui s'est formé au large de Mayotte. Le stade d'alerte du plan d'organisation de la réponse de sécurité civile (Orsec) a atteint le niveau jaune pour la Soufrière et la montagne Pelée. Quant au nouveau volcan de Mayotte, il s'inscrit dans une réactivation générale de cette zone volcanique, moins connue que les autres. Enfin, le Piton de la Fournaise connaît deux à cinq éruptions volcaniques par an depuis plus plusieurs années.

La recherche a récemment mis en évidence que l'activité volcanique obéit à des temporalités emboîtées et très variables. L'éruption en surface nécessite trois grands phénomènes : un temps de maturation des zones de stockage des magmas qui se compte en milliers ou centaines de milliers d'années ; un temps d'instabilité de ces zones qui provoque un début de remontée du magma pouvant prendre quelques mois ou quelques dizaines de jours ; dans la dernière phase, la remontée du magma peut se produire en quelques minutes ou quelques heures. Le système reste silencieux pendant une très longue période, puis, une fois qu'il est mûr, il peut se déstabiliser très rapidement. Il faut donc intégrer des sauts de connaissance et de surveillance qui prennent en compte ces différentes échelles de temps à emboîter, y compris dans la réponse de sécurité civile.

Tous les aléas volcaniques concernent les volcans français d'outre-mer. Les éruptions non magmatiques, appelées phréatiques, sont les plus fréquentes : leur probabilité d'occurrence est ainsi d'environ 1 à 2 % chaque année en Guadeloupe et en Martinique. Elles peuvent générer tous les aléas que l'on retrouve dans les éruptions magmatiques hormis l'émission de lave. Particulièrement difficiles à anticiper, elles ont aussi été les plus mortelles au cours de la dernière décennie, ce qui soulève la question du tourisme volcanique et de l'accès aux zones actives comme celles de la Soufrière.

Malgré les progrès réalisés dans la connaissance et la surveillance, les risques volcaniques ont augmenté dernièrement et la tendance va s'accentuer avec les changements globaux. Je parle ici de risques, pas seulement d'aléas, qui augmentent avec la croissance des enjeux exposés et leur plus grande vulnérabilité. En 2015, une étude a classé les régions volcaniques du monde en fonction du pourcentage de la population totale du territoire exposée au risque à une distance de 0 à 30 kilomètres d'un volcan actif. La zone caribéenne est arrivée en tête, ce qui inclut la Guadeloupe et la Martinique. À cette époque, Fani Maoré ne s'était pas encore manifesté au large de Mayotte. Une fois les calculs refaits, Mayotte apparaît comme le territoire le plus exposé aux risques volcaniques en France et probablement dans le monde.

Pour en revenir à ces échelles de temps emboîtées, on sait que 42 % des éruptions traversent leur phase la plus violente, paroxysmale, au cours des vingt-quatre heures qui suivent le début de l'éruption et qu'elles représentent 20 % de la mortalité. Il faut donc développer une stratégie efficace de détection de l'évolution de l'activité volcanique en amont, et une stratégie de gestion de ces éruptions paroxysmales à leur début. Pour les autres éruptions, 70 % de la mortalité se produit dans un laps de temps compris entre une semaine et six mois après le début de l'éruption. Après les premières évacuations, il faut donc gérer le retour éventuel de personnes évacuées. Il faut surtout agir dans la continuité, s'intéresser à toutes les personnes qui vivent en bordure des zones exposées et à celles qui n'ont pas été évacuées mais qui vont être affectées par des dysfonctionnements systémiques.

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