Intervention de Annamaria Lammel

Réunion du jeudi 1er février 2024 à 14h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Annamaria Lammel, professeure émérite à l'université Paris 8, directrice de recherche au laboratoire Paragraphe :

Merci de nous donner la possibilité de présenter à nouveau les derniers résultats du Giec, et même d'aller un peu plus loin, car il y a eu depuis beaucoup de recherches scientifiques qui peuvent être utiles dans le cadre de cette audition.

Malgré les efforts d'adaptation et d'atténuation, les impacts du changement climatique concernant les personnes, les écosystèmes et les infrastructures deviennent de plus en plus importants. Le Giec a élaboré différents scénarios, en fonction desquels les conséquences des catastrophes climatiques sont plus ou moins marquées.

Les territoires d'outre-mer sont extrêmement vulnérables. Par exemple, sur l'île d'Ouvéa, où j'ai eu l'occasion de travailler, on peut déjà envisager le déplacement de la population.

Comme l'a dit mon collègue, on observe souvent des formes d'adaptation néfastes que l'on peut qualifier de maladaptations, un concept très important pour le Giec. Par exemple, il ne faut pas construire un mur pour protéger la population de la montée des eaux, un problème qui se pose à Ouvéa et dans toute la région du Pacifique.

Il s'agit aussi d'une question de gestion. J'ai été auteur principal, dans les deux derniers rapports, du chapitre sur la prise de décision. Les deux fois, nous avons opté pour une gestion itérative des risques. C'est un concept très important. Comment décider de la manière de se protéger de catastrophes climatiques dans cinq ans ? Entre-temps, de nombreux éléments peuvent intervenir. Cette gestion itérative des risques relève de l'approche actuelle des systèmes complexes, c'est-à-dire qui fonctionnent en interaction, sans que l'on puisse en isoler des éléments.

Un autre concept très important est celui de nexus. Par exemple, les questions de l'eau, du climat, de l'énergie et de l'alimentation sont liées. Si les littoraux disparaissent, cela va provoquer des problèmes au niveau de la nutrition, de la pêche, etc. Beaucoup d'études essayent de relier les recherches scientifiques concernant la biodiversité, le changement climatique et l'énergie – question primordiale.

En outre, les systèmes sont rétroactifs. On ne peut donc pas prévoir comment ils vont évoluer et on peut même s'attendre à des points de basculement qui remettront en question les décisions traditionnelles. Dans ce contexte, on envisage une adaptation transformative au lieu de petites solutions qui ne mènent nulle part – on voit que les émissions de gaz à effet de serre continuent et, en France, on évoque un plan d'adaptation à 4 degrés Celsius, ce qui signifie que toutes les petites îles des territoires d'outre-mer vont disparaître, que la mer va détruire les terres par la salinisation, comme elle le fait déjà en Guyane et en Nouvelle-Calédonie. L'adaptation transformative, elle, permet de modifier les systèmes afin de sauver la vie sur terre – car c'est presque de cela qu'il s'agit.

Le Giec préconise aussi des décisions multiacteurs. Il n'est pas suffisant que le gouvernement décide : il faut intégrer à la prise de décision les scientifiques – au moins leur demander d'y contribuer –, mais aussi les populations. C'est très important pour la gestion des risques et des catastrophes naturelles en général.

Dans les territoires d'outre-mer, il y a une population d'origine autochtone ainsi que des communautés locales. C'est désormais presque une obligation d'intégrer leurs connaissances et de les faire participer à la décision. Les Iaai et les Faga vivent sur l'île d'Ouvéa depuis trois mille ans. Tous les efforts sont nécessaires pour faire face à des catastrophes naturelles qui peuvent se renforcer mutuellement.

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