Soixante-dix ans après son appel, les mots de l'abbé Pierre résonnent encore en nous comme une urgence. Une urgence sociale, humaine. Combien de personnes dorment toujours dans la rue ? Combien de femmes, d'hommes et d'enfants vivent dans une pauvreté et une précarité si extrêmes qu'ils doivent se contenter d'un logement complètement insalubre ?
C'est à l'État de mener à bien une politique de protection et de donner les moyens aux différentes parties prenantes de mettre fin au mal-logement. Les collectivités territoriales assument leur part de travail avec volonté et détermination. C'est le cas de la commune de Saint-Paul, dans ma circonscription de La Réunion, qui réalise de nombreux projets de création et de réhabilitation de logements. Cependant, en dépit de l'engagement sans faille des équipes municipales, les services de l'État n'assument pas leurs responsabilités.
En 2011, lorsque la mairie de Saint-Paul a lancé le programme de résorption de l'habitat insalubre (RHI) du quartier de Sans-Souci, la règle d'un financement de 20 % par la commune et de 80 % par l'État a été respectée, du moins les premières années. Depuis 2020, cependant, la position de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Deal) a changé : son investissement dans le projet a reculé et la finalisation de la RHI s'en est trouvée largement retardée. Voilà déjà treize ans que ce projet a éclos. Il est grand temps d'accélérer. Plusieurs dizaines de personnes sont toujours hébergées en zone de transit, attendant désespérément de revenir sur leur terre.
Le désengagement progressif de la Deal, qui avait donné son aval pour un financement de 40 millions d'euros, a fait chuter ce montant à 11 millions, soit seulement un quart de ce qui était initialement prévu. Il y a là de quoi déstabiliser grandement les finances de la collectivité. Car le chantier a bien débuté et la commune a déjà engagé d'importantes dépenses : plus de 11 millions d'euros à ce jour. Ainsi, au lieu de respecter la règle d'un financement à hauteur de 80 %, la participation de l'État a chuté et n'atteint plus que 50 %.
À la demande de l'État et afin de mieux reconstruire, la ville de Saint-Paul a fait détruire certaines habitations insalubres. Une fois la démolition effectuée, l'État a décidé de diminuer sa participation au prétexte que l'insalubrité n'existait plus, puisque les logements insalubres avaient été détruits ! Cette explication scandaleuse laisse plusieurs familles aux oubliettes.
En suivant l'ensemble des nouvelles demandes capricieuses de la Deal, qu'il s'agisse de la division du projet en différents lots ou de la baisse du coût de production par logement, la commune pensait que l'État respecterait les termes de son engagement. Force est de constater qu'elle s'est fourvoyée.
Alors que la situation du logement est très dégradée à La Réunion, différentes instances, telles que le comité d'accélération du logement, présidé par le préfet, se limitent à formuler de bonnes intentions qui ne se traduisent pas dans les faits.
Afin d'achever le projet et de respecter au mieux son objectif initial, la ville de Saint-Paul attend 21 millions d'euros de la part de l'État. Les demandes de la commune ont déjà reçu plusieurs avis défavorables, ce qui est incompréhensible. Pour permettre à 242 familles d'accéder à un logement décent, 7 millions d'euros sont attendus en 2024.
Madame la ministre déléguée, le constat est clair : quand l'État se désengage, les collectivités ne peuvent plus tenir.