Devenir maire, c'est endosser le plus beau des mandats. C'est s'engager dans un sacerdoce laïque, accepter de prendre en charge son territoire, de réveiller les esprits dans les villages victimes du tout-métropolisation et du déménagement du territoire. C'est s'occuper des repas de la cantine scolaire, organiser les célébrations du 14 Juillet, écouter les habitants qui vont mal et réconcilier les voisins qui ne s'entendent plus. C'est croire, comme Georges Bernanos, que « les petites choses n'ont l'air de rien, mais [qu']elles donnent la paix ». C'est prendre soin de ce qui semble invisible et évident, et qui pourtant s'effrite : le lien social.
Dans une époque où il paraît parfois si facile de croire que l'avenir est au présent, à l'immédiat, au distanciel, aux relations numériques et à la société liquide, être maire, c'est assumer d'avoir les deux pieds dans la terre et prendre soin concrètement du lien social, que le smartphone ne pourra remplacer.
Face au sentiment – sentiment partagé, il me semble – que la démocratie s'abîme, que le fossé se creuse entre nos concitoyens et ceux qui sont chargés d'apporter une réponse publique, maires et élus locaux gardent la maison France en respectant le seul devoir qui incombe à ceux qui s'engagent : continuer à faire communauté, porter haut le sens latin de « commune » – vivre ensemble.
Si l'on veut véritablement procéder à un réarmement de la République, il faut, au lieu de se laisser souffler des slogans publicitaires par les cabinets de conseil, soutenir nos communes. Le maire a les pieds sur terre. Il est à portée d'engueulade, comme plusieurs d'entre vous l'ont souligné : sans filtre, sans garde rapprochée, sans caméras autour de lui. Lui conserve la confiance des Français parce qu'il vit parmi eux : il est lié à eux.
Le maire, c'est tout à la fois le premier visage de ce que l'on appelle la France, la République et celui qui fait vivre ces grands mots au quotidien, parfois d'ailleurs en ayant l'impression de devoir avancer contre vents et marées. Quand l'État n'est pas au rendez-vous, quand l'État détricote les services publics de proximité, quand l'État rogne sur les moyens des communes, ce sont les maires, urgentistes de la République, qui maintiennent debout la baraque France. Nous l'avons constaté lors de plusieurs moments de crise, qu'il s'agisse de la poussée de l'inflation, du covid ou du mouvement des gilets jaunes, à l'occasion desquels le Président de la République a semblé redécouvrir le rôle précieux joué par les maires…