Intervention de Laurent Croizier

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2024 à 21h30
Pérenniser les jardins d'enfants — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Croizier :

Le groupe Démocrate ne votera pas ce texte et nous tenions à en expliquer les raisons.

Il y a bientôt quatre ans, la majorité instaurait l'instruction obligatoire dès 3 ans. Le groupe Démocrate en est fier. Les études montrent en effet que, dès l'âge de 2 ans, on constate une forte disparité langagière, sociale et culturelle chez les enfants. À 4 ans, un enfant issu d'une famille défavorisée a entendu trente millions de fois moins de mots qu'un enfant issu d'une famille plus aisée. J'ai bien dit trente millions de fois moins de mots. Ajoutons que le même enfant connaît deux fois moins de mots en moyenne.

C'est à l'école maternelle que commence la lutte contre les inégalités, qui est une des missions premières de l'école, sinon la mission première ! Les jardins d'enfants et l'école maternelle ont en commun d'être des lieux où les enfants s'éveillent et se construisent, des lieux de socialisation et de développement affectif. Ce qui les différencie toutefois fondamentalement, c'est que l'école maternelle constitue un cycle d'enseignement alors que les jardins d'enfants ne proposent qu'un éveil. Malgré les immenses qualités des éducateurs et des éducatrices ainsi que des auxiliaires de puériculture, dont nous saluons le travail, l'éveil pédagogique pour lequel ils sont formés ne constitue qu'une étape initiale des premiers apprentissages transmis par les enseignants des écoles maternelles.

Il y a une semaine, deux de nos collègues, Mme Annie Genevard et M. Fabrice Le Vigoureux, présentaient les conclusions d'un rapport d'information sur l'apprentissage de la lecture, dans lequel ils soulignaient, à juste titre, l'importance de l'abaissement de l'instruction obligatoire à 3 ans et le rôle clé de l'école maternelle. Permettez-moi de pointer la contradiction entre ce rapport et la proposition de loi. En ce jour de mobilisation dans les établissements scolaires, quel message enverrions-nous au professeur des écoles maternelles ? Que le programme scolaire à l'école maternelle peut se faire sans enseignants ? Ce n'est pas notre vision des choses.

La loi pour une école de la confiance, adoptée en 2019, prévoyait une période de transition jusqu'en 2024. Les députés Démocrates ont défendu l'abaissement de l'instruction obligatoire à 3 ans, précisément pour consacrer le rôle fondamental de l'école maternelle et reconnaître celui, majeur, des enseignants. Pourquoi les jardins d'enfants, souvent installés dans l'habitat social et qui accueillent une forte proportion d'enfants en situation de handicap, n'ont-ils pas profité de cette période dérogatoire pour se transformer, changer de modèle et devenir des établissements sous contrat intégrant des enseignants, ce qui aurait assuré leur pérennité ?

Mes chers collègues, aucun des grands défis de ce siècle ne se réalisera sans ambition pour l'éducation de nos enfants, sans ambition pour nos enseignants. Placer l'école au cœur de la République, élever son niveau d'exigence, restaurer l'autorité des professeurs : tel est le cœur de l'engagement des députés Démocrates. En conséquence, nous ne pouvons voter pour cette proposition de loi.

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