Intervention de Émilie Bonnivard

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2024 à 21h30
Pérenniser les jardins d'enfants — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Bonnivard, suppléant Mme Michèle Tabarot, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Madame la présidente, madame la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement, chers collègues, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de la rapporteure Michèle Tabarot, empêchée en raison d'un léger souci de santé. Je suis heureuse de la remplacer pour vous présenter aujourd'hui cette proposition de loi visant à pérenniser les jardins d'enfants.

Je veux saluer l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de cette semaine de l'Assemblée, parmi les initiatives transpartisanes. C'est important parce qu'il porte sur des sujets qui touchent le quotidien de nos concitoyens. Il parle d'enfance et d'éducation, deux grandes causes et deux priorités qui nous sont chères à toutes et à tous. Nous aurons ainsi, j'en suis certaine, un échange digne et de qualité, susceptible de répondre à une véritable attente.

Cette proposition de loi vise à sauvegarder les jardins d'enfants, menacés, comme vous le savez, de disparition à la prochaine rentrée scolaire si nous ne changeons pas la loi.

Cet objectif est très largement partagé, d'abord au sein de notre assemblée avec des soutiens sur tous les bancs – je rappelle que cette proposition de loi est notamment cosignée par des représentants de quatre groupes parlementaires. Par ailleurs, dans le cadre d'une concertation en amont, elle a également été déposée par des représentants des groupes de la NUPES. Je sais que ma collègue Tabarot a à cœur de remercier nos collègues Philippe Juvin et Caroline Yadan qui ont également travaillé sur ce texte. Cet objectif est aussi partagé au Sénat.

La volonté de nombreux parlementaires de préserver les jardins d'enfants a été confirmée par la commission des affaires culturelles et de l'éducation. Cette proposition de loi y a été examinée dans le cadre d'une procédure de législation en commission et adoptée à une large majorité. Nous espérons bien évidemment que ce vote sera confirmé aujourd'hui. Nous pourrons ainsi soulager des milliers de professionnels, de parents et d'enfants qui sont dans l'incertitude.

J'en viens au fond de cette proposition de loi et à ses enjeux. Le risque de fermeture des jardins d'enfants découle de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, dite loi Blanquer. C'est la conséquence involontaire de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire de 6 à 3 ans. Je dis bien « involontaire » et ce pour deux raisons.

Premièrement, aucune étude préalable n'a été réalisée pour anticiper l'impact de cette évolution. Une mission d'expertise a été réalisée par l'Igas, l'Inspection générale des affaires sociales, et l'IGESR, l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, mais seulement après le vote de la loi Blanquer.

Ensuite, et surtout, la difficulté avait été soulevée lors de l'examen du projet de loi en commission et un moratoire avait alors été décidé jusqu'à la rentrée 2024. Nous travaillons depuis plus d'un an alors que cette échéance approche.

Je veux vous redire ici les raisons pour lesquelles nous devons préserver les jardins d'enfants. Ces structures, inspirées des Kindergarten allemands, ont une longue histoire puisqu'elles ont été créées en France au début du siècle dernier. Nous en comptons aujourd'hui environ 250 qui proposent 8 200 places à de jeunes enfants. Parmi eux, 70 accueillent des enfants de 3 à 6 ans en vue de leur éducation.

Ces jardins d'enfants ont développé de véritables vocations, d'abord sur le plan social. Contrairement aux idées reçues, ce sont des communes défavorisées qui, les premières, ont créé ces structures pour leurs administrés, avec l'idée d'ouvrir des lieux d'apprentissage pour les plus modestes. D'ailleurs, un quart des jardins d'enfants sont aujourd'hui situés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, un facteur qu'il faut pleinement prendre en considération.

Les jardins d'enfants ont ensuite une vocation parentale. La relation entre l'éducateur, l'enfant et les parents y est déterminante. Les parents s'investissent dans la vie des établissements où les éducateurs apportent régulièrement conseils et aides à la parentalité.

La troisième vocation est très significative. Les jardins d'enfants sont des modèles d'inclusion des élèves en situation de handicap parce qu'ils proposent une continuité dans l'accueil et dans la prise en charge. C'est la même équipe qui reste auprès des enfants tout au long de la journée, ce qui est bénéfique et rassurant pour les enfants concernés comme pour les parents. Des jardins d'enfants sont mêmes spécialisés dans cet accueil. On compte environ 12 à 15 % d'élèves à besoins spécifiques dans les effectifs actuels des jardins d'enfants. À cet égard, une fermeture serait dramatique.

La rapporteure a d'ailleurs été informée de cas d'enfants en situation de handicap dont le jardin d'enfants a fermé et qui, en novembre dernier, n'avaient toujours pas retrouvé d'établissement en mesure de les accueillir. La Ville de Paris évoque 100 dossiers qui pourraient poser les mêmes difficultés. Là encore, c'est un élément que nous ne pouvons pas ignorer.

Vous comprenez l'importance de ce texte. Nous savons tous qu'en matière d'accueil des jeunes enfants en France, il existe un déficit réel et que le risque est grand de perdre encore des milliers de places en septembre prochain. Il faut le souligner parce qu'au-delà des jardins d'enfants à vocation pédagogique se pose la question des autres jardins d'enfants dont l'existence est aussi remise en question, comme nous le voyons aujourd'hui dans certaines communes.

Pour conclure, j'insiste sur le fait que les jardins d'enfants ont toute leur place dans notre système éducatif aux côtés des écoles maternelles. Ils ne sont pas concurrents mais complémentaires. Le ministère de l'éducation nationale lui-même appelait, il y a peu, à développer les coopérations entre enseignants et éducateurs de jeunes enfants. Les jardins d'enfants peuvent même être un lieu d'expérimentation dont nous pourrions nous inspirer concernant la prise en charge des enfants à besoins spécifiques.

Nous avons l'occasion de préserver des structures qui fonctionnent bien, qui donnent satisfaction et portent de belles valeurs. Nous avons confiance dans votre mobilisation et nous espérons que nous pourrons voter très rapidement ce texte.

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