Comme l'ont révélé de nombreux observateurs et juristes, la création d'un délit d'homicide routier et de blessures routières s'inscrit dans l'air du temps, à la suite de plusieurs affaires médiatisées. L'expression « homicide involontaire » apparaît, à juste raison, choquante pour les victimes, leurs proches et bon nombre de nos concitoyens. Nous partageons la préoccupation qui sous-tend ce texte, et l'injustice ressentie face au terme « involontaire ». Car quand on boit de l'alcool, quand on prend de la drogue, quand on roule trop vite, quand on téléphone au volant, ce n'est pas involontaire.
Malheureusement, l'adoption de cette proposition de loi ne changera pas grand-chose au droit en vigueur – ni pour les droits des victimes, ni pour les peines des auteurs d'infractions. Si nous ne sommes pas enthousiastes avec ce texte, malgré le symbole qu'il constitue, c'est parce qu'au quotidien rien ne changera dans le traitement concret de ces affaires.
Si le texte prévoit d'élargir l'éventail des circonstances aggravantes, les peines encourues à titre principal restent inchangées. Est-ce que la justice sera plus rapide, donnant du sens à la peine pour l'auteur, et une compensation sans délai à la victime et à ses proches, proportionnelle aux dommages subis ? Non. Est-ce que la justice sera plus efficace, et mieux disposée à condamner celles et ceux qui ont enfreint la règle et qui ont été dangereux en conscience ? Nous n'en sommes pas sûrs. L'accompagnement indispensable, dont les victimes et les familles ont besoin, est-il prévu ? Non plus. Pourquoi des circonstances aggravantes identiques, appliquées à d'autres délits aux conséquences aussi dramatiques, ne changeront pas la qualification involontaire de l'infraction ? Est-ce qu'il y aura une indemnisation plus rapide des victimes ? Toujours pas.
Ces raisons nous conduisent, non pas à rejeter le changement de qualification du délit, mais à contester la méthode qui laisse de côté la réalité quotidienne du sujet : prévenir – y compris en étant plus sévère –, juger plus rapidement, compenser plus justement et plus efficacement les dommages, en tenant compte de la souffrance morale engendrée par l'attente.
En conséquence, le groupe Socialistes et apparentés, dans sa large majorité, s'abstiendra sur ce texte qui laisse croire que quelque chose changera, alors que cela ne sera pas le cas. N'oublions pas que le législateur doit, avant tout, exiger de la loi qu'elle soit efficace. C'est ce qui manque ici et nous le regrettons.