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Intervention de Jérémie Iordanoff

Réunion du mardi 23 janvier 2024 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérémie Iordanoff :

Je crains d'avoir à rompre l'unanimisme ambiant. À écouter les interventions des membres de la commission, je suis surpris de l'ampleur du décalage entre le contenu du texte et la réalité du sujet que nous traitons : plus de 3 500 morts sur nos routes, un chiffre qui ne tend à baisser que légèrement et aucune mesure prise depuis sept ans, alors que l'on sait que les deux facteurs les plus importants de mortalité routière sont la vitesse et l'alcool.

Le principal sujet soulevé par ce texte est d'ordre sémantique. Je l'entends parfaitement : il est vrai que l'usage du mot « involontaire » peut choquer. Mais si vous voulez retirer ce mot du code pénal, vous devrez l'ôter partout. Il faudrait, sinon, créer un homicide de chasse, un homicide de conduite d'engins, etc. Des circonstances particulières, il y en a beaucoup !

L'aggravation des peines est attachée à des circonstances aggravantes. La première version du texte proposée par M. Pauget avait un sens, puisqu'elle proposait cette aggravation des peines ; mais cette dernière a disparu de la proposition que vous nous présentez. Je pourrais vous suivre s'agissant de l'ajout de trois nouvelles circonstances aggravantes, notamment de la prise en main du téléphone portable.

Cependant aucune étude d'impact ne nous indique combien de morts pourraient être évités avec ce texte. Je suis très surpris qu'on puisse légiférer sur la sécurité routière sans étude d'impact. On se plaint sans cesse de l'inflation législative, du fait de légiférer pour rien. J'aimerais m'assurer que nous faisons œuvre utile, et que celle-ci puisse être mesurée. Mais je pense que le texte ne changera rien ; en réalité, il introduira un flou avec cette nouvelle catégorie.

L'infraction reste involontaire, avez-vous dit, madame la rapporteure. Est-ce à dire qu'il s'agit d'une troisième catégorie ou d'une sous-catégorie de l'homicide involontaire ? J'aimerais que l'on clarifie la chose avant le vote. Si c'est une sous-catégorie, on n'aura pas résolu le problème vis-à-vis des victimes. Si, en revanche, il s'agit d'une troisième catégorie, elle devrait produire des effets juridiques différents. Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, on attend du juge qu'il tire des conclusions différentes, mais on ne change pas le droit : je ne comprends plus ! Les législateurs vont-ils donner des instructions aux juges pour leur dire comment juger ? Si l'on pense qu'ils ne prononcent pas de peines assez sévères, il faut aggraver ces dernières.

C'est donc un texte d'affichage, qui introduit de la confusion et ne réduira pas le nombre de morts sur les routes. Il crée une attente qui sera déçue. Seule la circonstance est volontaire – par exemple, la prise de stupéfiants –, non l'homicide. Il faut trouver une formulation juste. Je proposerai, par amendement, la notion d'homicide non intentionnel.

Notre groupe est très réservé sur le texte. Nous déterminerons notre vote en fonction des débats.

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