Cette proposition de loi est une version amoindrie d'une proposition déposée par M. Pauget, qui aggravait les peines encourues. Elle a pour point de départ un constat terrible, déjà rappelé : 3 550 morts et 70 000 blessés sur les routes. L'inacceptable l'est d'autant plus quand on sait que notre proche a été tué ou blessé par un individu ayant adopté un comportement à risque en connaissance de cause.
Le nombre de morts sur les routes a considérablement diminué du fait de mesures d'ordre réglementaire, que je salue.
Ce texte répond à un appel des associations de proches des victimes de la route. Par le terme « routier », il remplace le terme « involontaire ». Nous admettons que celui-ci est inaudible pour les familles des victimes, et ne pouvons que compatir au drame que constitue la perte d'un des siens dans un accident et au bouleversement que cette perte entraîne. Ce texte fait donc savoir aux familles que le comportement à risque de l'infracteur, antérieur et ayant conduit à l'accident, est bien pris en compte ; or, c'est déjà le cas, puisqu'il appartient à la catégorie des circonstances dites aggravantes. Rappelons que prendre le volant après avoir consommé de la drogue ou de l'alcool, c'est multiplier par dix-huit le risque d'être responsable d'un accident mortel. Choisir de rouler en état d'ébriété, sous l'influence de stupéfiants, sans permis, en faisant usage de son téléphone, en excédant grandement la vitesse autorisée transforme de fait, et sciemment, un véhicule en machine à tuer.
Le débat que vous nous proposez, bien que relevant d'un registre différent, rappelle celui que nous avons eu sur l'irresponsabilité pénale et sur la responsabilité de l'auteur d'actes accomplis du fait d'une prise de stupéfiants antérieure au passage à l'acte et favorisant l'infraction ou le crime en question. À notre sens, cette proposition soulève la question de savoir si un changement de qualification est susceptible d'avoir un effet dans la réalité. Car on ne légifère que dans l'intention que les mots de la loi produisent un effet, induisent des changements de comportements. Or, dans le cas présent, il y a un risque que nous votions une loi d'affichage, sans que les intéressés en soient informés, sans que cela ne change rien alors qu'ils attendent beaucoup : un coup d'épée dans l'eau pour le législateur, une loi de plus dans l'océan des normes.
À cet égard, si l'on privilégiait une approche plus circonstanciée de l'homicide involontaire ou de l'homicide par imprudence, on pourrait aussi imaginer qu'une proposition relative à l'homicide de chasse entende punir spécifiquement les imprudences commises dans le cadre de cette activité, telles que la consommation d'alcool ou de substances psychoactives ou la méconnaissance d'une règle élémentaire de sécurité – nous avons tous le souvenir d'une joggeuse tuée par un chasseur. Dans de telles situations, le terme « involontaire » est tout aussi inaudible pour les familles des victimes.
L'action, comme l'a indiqué Mme Luquet, c'est d'abord la prévention, car un homicide n'est jamais réparé. La prévention impose peut-être des mesures de niveau législatif, par exemple l'obligation de campagnes de sensibilisation.
Enfin, garantir un délai dans lequel interviendrait la réparation intégrale, l'exécution de la peine, pourrait constituer une réponse.