Le traitement judiciaire des drames de la route n'est plus, de nos jours, admissible pour beaucoup de familles de victimes. Il est vrai que lorsqu'on a perdu un enfant, un frère ou une mère dans un accident dont le responsable était alcoolisé, sous l'empire de stupéfiants ou a commis un délit de fuite, il est insupportable de s'entendre dire, pour justifier le prononcé d'une simple peine d'emprisonnement avec sursis, que les faits étaient involontaires. Lorsque les proches d'une victime se trouvent dans une telle situation de douleur et de sidération, il n'est plus acceptable qu'ils se voient opposer la simple notion de « pas de chance ».
Il s'agit donc de donner un sens législatif à l'expression « violences routières », en espérant qu'il en résultera des effets concrets. Manifestement, le traitement judiciaire de ces violences avant et pendant le procès est trop influencé par le caractère uniquement involontaire de l'infraction telle qu'elle résulte de notre droit positif. En instituant une infraction autonome d'homicide routier ou de blessures routières, le texte est, nous semble-t-il, novateur et va dans le bon sens.
Nous sommes d'accord pour dire que, si la mort ou les graves blessures ne sont bien entendu pas recherchées par l'auteur, la ou les circonstances aggravantes de l'infraction, qui ont joué un rôle causal majeur dans la survenue du drame, procèdent quant à elles de faits complètement volontaires.
Cette proposition est aussi novatrice dans la mesure où nous créons une infraction à mi-chemin entre le fait involontaire et le fait volontaire. Loin de constituer seulement une évolution sémantique, il s'agit aussi d'une évolution de notre droit pénal. Au premier abord, le juriste, quelque peu conservateur, peut être troublé par cette proposition. Mais, à bien y réfléchir, on doit pouvoir trouver, dans certaines circonstances, une place pour une qualification intermédiaire entre le vouloir-tuer et le tuer-sans-le-vouloir.
Cette proposition de loi est donc utile en ce qu'elle permet de mieux appréhender la situation des victimes et des auteurs au regard du droit. Elle répond aussi au déplacement sur nos routes de certains comportements sociétaux : l'alcoolisme, qui demeure une véritable plaie dans notre société ; l'usage de stupéfiants, trop banalisé, qui semble généralisé ; la perte du sens civique, à l'origine de la multiplication des délits de fuite, des cas de non-assistance à personne en danger et de refus d'obtempérer.
Notre groupe soutient donc ce texte qui, par définition, n'est pas partisan ; disons qu'il est presque transpartisan dans sa conception. Ici, toutefois, nous ne parlons pas de politique, mais de la mort de bien trop d'innocents, souvent jeunes.
Sans dénaturer la proposition de loi dans son esprit ou dans sa lettre, nous proposerons quelques amendements visant notamment à inscrire le refus d'obtempérer au nombre des circonstances aggravantes – j'ai cru comprendre que vous étiez d'accord avec nous sur ce point. Le nombre, la gravité, la dangerosité de ces comportements impose, à notre avis, de les considérer comme éléments constitutifs de circonstances aggravant les infractions créées.
Vous l'aurez compris, notre groupe est totalement favorable à cette proposition de loi.