Comme vient de le dire Mme Brugnera, que je remercie également pour le travail transpartisan que nous avons su mener ensemble en bonne intelligence, notre proposition de loi modifie le code pénal afin de créer une infraction autonome et indépendante d'homicide routier.
En outre, elle applique la même logique aux atteintes involontaires commises par un conducteur avec circonstances aggravantes. En cohérence avec le droit applicable, nous les remplaçons, elles aussi, par deux nouvelles infractions autonomes et indépendantes : d'une part, les blessures routières ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) supérieure à trois mois ; d'autre part, les blessures routières ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à trois mois.
Ce sont donc trois nouvelles qualifications pénales qui sont créées pour mieux tenir compte de la réalité de ces accidents, qui ont certes des conséquences involontaires, mais qui surviennent dans des circonstances résultant d'actes délibérés commis par le conducteur fautif.
Certains d'entre vous diront peut-être qu'il s'agit là d'une mesure purement symbolique. Je ne pense pas que ce soit le cas. D'une part, en droit, la sémantique ne relève nullement du symbole, mais se doit d'être précise ; d'autre part, en plus de cette évolution des qualifications pénales, notre texte contient des mesures très concrètes que je vais à présent détailler.
Tout d'abord, en cohérence avec le droit actuel, nous conservons les six circonstances aggravantes déjà prévues : délit de fuite, violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité, consommation d'alcool, usage de stupéfiants, conduite sans permis, excès de vitesse de 50 kilomètres par heure ou plus. Outre ces cas, nous proposons de créer trois nouvelles circonstances qui permettront de qualifier l'homicide ou les blessures routiers : la non-assistance à personne en danger, l'utilisation par le conducteur d'écouteurs ou du téléphone à la main et la consommation volontaire de substances psychoactives.
S'agissant de ce dernier cas, nous avions initialement retenu dans la proposition de loi une formulation inspirée des dispositions législatives que nous avons votées à la suite de l'affaire Sarah Halimi. Concrètement, nous visons ici la consommation de drogues légales, soit du fait d'un usage détourné de ces produits – je pense au protoxyde d'azote, dont je sais qu'il constitue un sujet préoccupant pour nombre d'entre vous –, soit du fait d'unusage manifestement excessif, comme la surconsommation de médicaments, prescrits ou non par ordonnance. Pour nous, que l'on se drogue avec des substances illégales ou avec des substances légales, le résultat est le même : la personne concernée s'est volontairement droguée et n'est pas en état de conduire. Bien sûr, le sujet est délicat s'agissant des substances légales, mais cela ne doit pas nous arrêter et nous devons trouver une solution législative permettant de prendre en compte et de sanctionner enfin ces comportements à risque. Nous vous proposerons d'ailleurs une réécriture des alinéas relatifs aux substances psychoactives, afin de clarifier les cas concernés.
Une deuxième évolution concerne les peines complémentaires. Notre proposition de loi qualifie les trois infractions d'homicide routier et de blessures routières et prévoit donc les peines encourues à titre principal. Elle comporte en outre un article précisant les peines complémentaires encourues par les personnes condamnées au titre de ces infractions.
En cohérence avec notre droit actuel, nous reprenons les peines complémentaires déjà encourues par les auteurs d'homicides ou d'atteintes involontaires avec circonstances aggravantes. Cependant, là encore, nous avons souhaité apporter quelques évolutions au droit en vigueur et nous avons élargi certaines de ces peines complémentaires, soit dans leur durée, soit dans leur champ d'application.
Par exemple, nous proposons de rendre possible la confiscation ou l'immobilisation du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction, même lorsque ce véhicule n'est pas sa propriété, dans les cas où il a été laissé à sa libre disposition par le propriétaire du véhicule qui avait connaissance du fait que le condamné n'était pas en état de conduire – soit parce qu'il n'avait pas le permis de conduire, soit parce qu'il se trouvait en état d'ivresse manifeste ou avait consommé des stupéfiants ou des substances psychoactives.
Enfin, autre évolution notable, nous rendons obligatoire le prononcé de certaines peines complémentaires, comme l'obligation d'installer sur son véhicule un dispositif antidémarrage par éthylotest lorsqu'on a été condamné pour un homicide routier ou des blessures routières en étant sous l'empire d'un état alcoolique. Cela me semble frappé au coin du bon sens : vous avez causé la mort de quelqu'un ou lui avez infligé des blessures entraînant une ITT en étant saoul ? Eh bien, pendant un certain temps, vous ne pourrez plus conduire sans prouver que vous n'êtes pas sous l'empire de l'alcool.
Voilà, mes chers collègues, quelles sont précisément les évolutions que nous vous proposons aujourd'hui. Nous en proposerons d'autres par voie d'amendement.
En conclusion, je souhaite rappeler que ce sujet de la lutte contre la violence routière et la gravité des faits que nous allons évoquer en parlant de ces homicides et blessures routiers nous obligent. Ils nous obligent à la dignité, mais aussi à la responsabilité. Notre responsabilité, en tant que législateurs, est d'agir pour améliorer notre droit, pour mieux lutter contre ces violences et pour mieux accompagner les victimes et leurs familles.
Je sais que ce sujet nous tient à cœur quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, et j'espère que nous parviendrons à trouver un consensus, voire une unanimité, sur cette proposition de loi.