Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de souligner également le caractère transpartisan de ce texte et de remercier d'ores et déjà le rapporteur Éric Pauget, avec lequel j'ai travaillé en bonne intelligence depuis la conception de cette proposition de loi, il y a déjà quelques mois.
C'est un sujet auquel nous nous intéressons, l'un comme l'autre, de longue date. Et nous ne sommes pas les seuls, car, en plus de nos deux signatures, cette proposition de loi porte notamment celles de Pierre Morel-À-L'Huissier, du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), de Christophe Blanchet et de Nicolas Turquois, du groupe Démocrate, de Bruno Studer et de Béatrice Piron, du groupe Renaissance, de Philippe Pradal, du groupe Horizons et apparentés, et d'Hervé Saulignac, du groupe Socialistes et apparentés. Je tiens également à les remercier, en saluant leur travail et leur engagement dans la lutte contre la violence routière.
Ce sujet de la violence routière nous mobilise toutes et tous. Dans nos circonscriptions, c'est quotidiennement que des drames de la route endeuillent des familles, brisant chaque année la vie de plus de 3 500 personnes en métropole et en outre-mer. Ce sont ces expériences de terrain – pour ma part, un terrible accident dans le 6e arrondissement de Lyon en octobre 2016 –, ces témoignages que nous recevons dans nos permanences et les échanges réguliers que nous avons avec les associations de victimes qui nous ont conduits à vous présenter cette proposition de loi.
Au cœur de notre texte se trouve un combat ancien des associations de victimes : la suppression du terme « involontaire » s'agissant des homicides commis par suite d'un comportement délibérément imprudent du conducteur fautif. Lors de nos auditions, toutes les associations nous l'ont redit, la locution « homicide involontaire » est insupportable pour les familles des victimes. Pour reprendre les propos de Yannick Alléno, elle est même « insupportable, injuste et injustifié ».
Cette revendication des associations a également été entendue par nos autorités, puisqu'elle a été intégralement reprise dans la dixième mesure recommandée par le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) réuni en juillet 2023. La création d'une infraction d'homicide routier a été annoncée par le Gouvernement et nous nous inscrivons aujourd'hui dans la suite de cette annonce. Il nous revient d'en venir aux actes et d'inscrire cette évolution dans la loi.
Mais, puisque la loi pénale est d'application stricte, permettez-moi d'abord de préciser quelles dispositions légales sont ici concernées.
En l'état du droit, notre code pénal distingue l'homicide involontaire commis par un conducteur selon qu'il est commis avec ou sans circonstance aggravante. Quand il est commis sans circonstance aggravante, l'homicide résulte d'une maladresse, d'une imprudence, d'une inattention, d'une négligence ou bien d'un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité. Il s'agit alors d'un accident et cet homicide demeure un acte entièrement involontaire. Nous ne changeons rien à cela.
La situation est tout autre quand l'homicide est commis avec une ou plusieurs circonstances aggravantes. Bien sûr, l'infraction en elle-même demeure involontaire puisque la mort est donnée sans intention de le faire. Sur ce point, il n'existe aucun débat. Cela correspond à notre droit pénal. Il est toutefois difficilement acceptable de qualifier cette infraction de totalement involontaire, alors qu'elle a eu lieu dans des circonstances qui, elles, résultent bien d'un comportement délibéré du conducteur.
Très concrètement, quelles peuvent être ces circonstances aggravantes ?
Elles sont aujourd'hui au nombre de six : la violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité, la consommation d'alcool, l'usage de stupéfiants, le délit de fuite, la conduite sans permis, l'excès de vitesse de plus de 50 kilomètres par heure au-dessus de la vitesse maximale autorisée.
Dans ces six cas, il y a bien un acte délibéré du conducteur fautif. C'est en effet délibérément que ce conducteur a conduit sans avoir de permis de conduire, sans respecter les limitations de vitesse ou en brûlant un feu rouge, en état d'ivresse ou après avoir consommé des stupéfiants, ou encore en décidant de prendre la fuite après avoir causé l'accident. Sans modifier le caractère involontaire de l'infraction, il nous semble donc logique que notre droit adopte des termes plus justes et plus précis, afin de tenir compte de l'aspect volontaire de la circonstance qui a conduit à cette situation dramatique.
Telle est l'intention générale de notre proposition : créer une surqualification pénale permettant de mieux qualifier ces infractions, qu'il s'agisse d'homicide routier ou de blessures routières.