Intervention de Pascale Bordes

Réunion du lundi 22 janvier 2024 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Bordes :

Le 3 août dernier, Sylvie Sanchez a été tuée par son ex-compagnon malgré une main courante déposée pour menaces de mort deux mois plus tôt. Le futur meurtrier avait quitté la gendarmerie avec une simple convocation pour une audience qui devait se tenir le 3 novembre, soit cinq mois après les faits. Ce délai est tristement habituel.

La lutte contre les violences intrafamiliales souffre d'un paradoxe entre les délais nécessaires à l'enquête et à l'audiencement, d'une part, et l'urgence à traiter la situation, d'autre part. Le temps de la procédure est souvent incompatible avec celui de la victime. Quels que soient les progrès accomplis, les féminicides ne pourront pas être éradiqués si le facteur temps n'est pas érigé en priorité absolue.

L'ordonnance de protection, créée en Espagne en 2003 et en France en 2010, est l'un des moyens de concilier deux exigences inaccordables. Toutefois, la modestie doit rester de mise. Le nombre de demandes d'ordonnance reste bien plus élevé en Espagne, pays de référence dans la lutte contre les VIF, qu'en France tandis que le nombre d'ordonnances délivrées est dix-sept fois moins important en France qu'en Espagne.

Certes, nous partons de très loin. Rien n'a été fait pendant des dizaines d'années. Là encore, le temps joue contre les victimes. Il nous faut, à tout prix, rattraper le temps perdu. Si l'ordonnance de protection est un progrès incontestable, nous devons être plus ambitieux encore.

Ainsi, lorsque l'éloignement de la victime s'avère nécessaire ou préférable au maintien dans le domicile familial ou conjugal, il convient d'accroître le nombre de places d'hébergement mises à leur disposition afin de répondre aux besoins spécifiques des femmes et des enfants victimes de violences. Seuls les hébergements spécialisés sont en mesure d'apporter le réconfort, la sécurité et l'aide indispensables à une reconstruction. Or leur nombre est trente-trois fois moins élevé qu'en Espagne alors que la population française est supérieure de 30 %. Selon les enquêtes de victimation, le nombre de places disponibles représente 15 % des besoins identifiés, sans compter les enfants, covictimes des violences conjugales.

Il nous faut également augmenter le nombre de greffiers et de juges car les ordonnances de protection viennent s'ajouter à des rôles des audiences déjà bien chargés. Dès lors que la moitié des effectifs du JAF dans un tribunal judiciaire manquent, le système connaît très rapidement des dysfonctionnements et les délais s'allongent encore.

Malgré le Grenelle des violences, malgré les campagnes de sensibilisation, malgré les progrès incontestables dans la prise en charge des victimes, malgré les avancées procédurales apportées par l'ordonnance de protection, le nombre de féminicides continue d'augmenter. Après une envolée record en 2022, je ne pense pas que les chiffres pour 2023 montrent un retour à un niveau – je ne peux pas dire acceptable car rien ne l'est en cette matière – moins élevé.

Le texte fait partie des avancées qui méritent d'être saluées. Le groupe Rassemblement national le votera.

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