Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je vous présente mes meilleurs vœux pour cette année 2024. Malgré un contexte complexe au niveau international, malgré l'urgence sociale, écologique et républicaine, je souhaite que 2024 soit une année d'espoir. Lorsque j'ai été élue députée en 2012, je siégeais à la commission des finances, que j'ai le plaisir de retrouver aujourd'hui.
Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir amorcé ces rencontres portant sur la question des finances locales. Notre pays doit répondre à des enjeux de cohésion sociale et d'urgence environnementale. Dans ce cadre, le couple État-région est absolument indispensable pour pouvoir relever ces défis.
Les régions ont dû relever de nouveaux défis à travers les nouvelles compétences et leur nouveau périmètre, pour une majorité d'entre elles. Aujourd'hui, elles sont confrontées à une difficulté financière particulièrement préoccupante. Les présidentes et les présidents de région ont toujours souhaité adopter une position constructive afin de livrer la bataille de l'emploi.
À cet égard, les chiffres des dernières années et la baisse du taux de chômage demeuraient encourageants. Pour autant, nous observons une légère reprise de la hausse du chômage, qu'il convient de surveiller. En outre, de nombreuses personnes restent éloignées durablement de l'emploi. Nous devons donc continuer à travailler ensemble afin que la forte demande des entreprises en matière de recrutement puisse bénéficier aux personnes éloignées de l'emploi, ce qui requiert des moyens financiers fléchés de façon différente.
Voici huit ans, ce fléchage s'effectuait à l'aune du nombre de places de formation. Le taux de chômage était alors très supérieur au taux actuel. Aujourd'hui, nous devons mieux cibler les formations sur l'acquisition de fondamentaux, la réappropriation de l'estime de soi par les personnes ayant connu de nombreuses difficultés et la nécessité de former les personnes aux nouveaux métiers liés à la transition écologique et énergétique et aux enjeux de souveraineté industrielle.
Le partenariat entre l'État et les régions doit également nous permettre d'adapter nos politiques aux territoires. En effet, la question de l'emploi revêt des réalités qui peuvent être différentes au sein d'un même département. Il est indispensable que les politiques soient adaptées aux bassins de vie et aux bassins d'emploi.
Le partenariat État-région est également indispensable pour traiter la question des mobilités. Voici près de dix-huit mois, les dix-huit présidents de région ont signé une tribune demandant de faire du ferroviaire l'axe prioritaire des mobilités en France, avec un investissement renforcé en provenance du budget de l'État et des crédits européens. Il en va de la lutte contre le réchauffement climatique et de notre souveraineté industrielle. Certes, la France dispose encore aujourd'hui d'un temps d'avance en matière de mobilités. Cependant, nous devons renforcer significativement nos dispositifs face à une concurrence internationale exacerbée, dont celle du groupe chinois CRRC.
Dans le domaine de l'éducation, nous demandons des pouvoirs renforcés au niveau de l'orientation. Les dispositifs liés au lycée et à l'apprentissage ont été modifiés en 2018. Néanmoins, l'ensemble des présidents de région observent une méconnaissance des enfants, selon leur niveau social, de la réalité et de la diversité des métiers et des cursus de formation. Afin de lutter contre le déterminisme social, il est absolument indispensable de mettre en œuvre une politique nettement plus offensive sur les questions d'orientation scolaire.
Par ailleurs, dans le cadre du partenariat État-régions, une concertation a lieu actuellement sur la mise en œuvre de l'objectif de « zéro artificialisation nette », ainsi que sur les objectifs de rénovation énergétique.
En d'autres termes, les partenariats État-régions visent des enjeux majeurs pour notre pays, pour l'Europe et pour notre planète. Or la situation financière des régions s'avère particulièrement préoccupante. Entre 2019 et 2022, nous avons augmenté de 20 % nos dépenses d'investissement liées à la crise sanitaire, car nous avons été partenaires de l'ensemble des plans de relance. Il était nécessaire d'atténuer les effets économiques de la crise sanitaire en aidant de façon significative les entreprises dans leur adaptation aux différents enjeux, qu'il s'agisse des économies d'énergie ou de la question du numérique. Il était également nécessaire de soutenir la commande publique à travers l'investissement régional et le soutien aux projets communaux et intercommunaux.
Conformément aux engagements que nous avons pris auprès des différents Premiers Ministres par voie contractuelle, nos dépenses d'investissement sont donc en hausse. De plus, nous relevons l'explosion de nos dépenses de fonctionnement, dont les dépenses d'énergie et les dépenses de carburant, sachant que les seules collectivités locales concernées par les dépenses de carburant sont les régions à travers les services de mobilité.
En tout état de cause, cette hausse des dépenses d'investissement impacte significativement nos capacités d'investissement car elle est couplée à un accroissement insuffisant des recettes de fonctionnement pour compenser l'augmentation des dépenses de fonctionnement. En 2023, l'écart entre l'augmentation de nos recettes de fonctionnement et des dotations liées à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et nos dépenses de fonctionnement est de 1 milliard d'euros. En conséquence, de nombreux présidents de région sont contraints de réduire leurs investissements. Nous alertons le gouvernement sur ce différentiel significatif.
La situation des régions se caractérise par ailleurs par la nécessité d'amplifier l'investissement dans le ferroviaire et dans la rénovation énergétique. Pour autant, les régions constituent le seul niveau des collectivités locales à ne pas percevoir une compensation de l'augmentation des dépenses énergétiques. Pour leur part, les métropoles ont bénéficié d'une aide de 100 millions d'euros. Pour rappel, leur dynamique ne bénéficie pas aux régions, car ces dernières sont dépendantes des dotations de l'État à hauteur de 94 %.
La seule « autonomie fiscale » des régions concerne les cartes grises. Or la dynamique fiscale des cartes grises est en baisse constante. À cet égard, nous avons demandé qu'une réflexion s'ouvre sur ces impôts dits « voiture » en diminution, qui représentent pour les régions un manque à gagner.
Les régions ont plaidé contre une baisse des dotations. Madame Élisabeth Borne, ancienne Première Ministre, a décidé de ne pas réduire ces dotations dans le cadre de la loi de finances 2023 et de la loi de finances 2024, après six années de baisse constante. Je rappelle que les régions ont constitué l'unique strate de collectivités locales ayant supporté une diminution de dotation. Je rappelle également qu'en 2017 et 2018, le transfert de la compétence du développement économique entre les départements et les régions a entrainé un transfert de charges estimé à 1,6 milliard d'euros.
Les régions n'ont perçu qu'une compensation de 600 millions d'euros. Elles ont accepté ce différentiel au regard de la dynamique de TVA. Or celle-ci s'avère moins importante que prévu et se traduit par une situation financière difficile. En outre, la structuration de nos dotations liées à la TVA s'approche désormais de celle des départements. En effet, les ressources des régions sont liées à plus de 34 % à la TVA, contre 28 % pour les départements en résultat des nouvelles réformes.
En tout état de cause, l'argument de la dynamique de la TVA bénéficie aussi bien aux régions qu'aux départements. L'autre dynamique fiscale qui bénéficie aux départements, à savoir les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), reste très forte. Elle leur offre une capacité de réserve non négligeable, les départements ayant connu une forte augmentation de leurs droits de mutation à titre onéreux. Pour leur part, les régions ne disposent pas d'autres dynamiques fiscales et leurs impôts « voiture » sont en baisse.
Cette situation nous conduit à demander au gouvernement un pacte d'engagement reposant sur un fonds de 350 millions d'euros. Nous avions entamé les discussions avec Élisabeth Borne en décembre 2023. Nous entendons les poursuivre avec M. le Premier Ministre Gabriel Attal, que je dois rencontrer le 29 ou le 30 janvier.
Nous souhaitons disposer d'un fonds d'investissement. Nous ne demandons pas d'enveloppe de fonds de fonctionnement, contrairement aux départements. L'objectif des régions est bien de répondre aux enjeux de transition écologique et énergétique, sachant qu'elles ne sont pas éligibles au fonds vert dont bénéficient essentiellement les communes et les intercommunalités.
Nous devons donc mener un travail avec le nouveau gouvernement afin de permettre aux régions de continuer à investir afin d'atteindre des objectifs européens et français. L'enjeu est également d'apporter des services à la population, dans un pays profondément divisé et profondément inquiet pour l'avenir. Cette proposition sera complétée par la demande réitérée d'élaboration d'une nouvelle dynamique fiscale se substituant à celle des impôts « voiture ».
L'ensemble des propositions est partagé par tous les présidents de région. En tout état de cause, les régions entendent continuer à investir massivement. Pour rappel, en moyenne un tiers de leurs dépenses de fonctionnement est consacré au rail, c'est-à-dire à la SNCF, et un quart de l'investissement couvre la question des mobilités. Les mobilités et l'éducation constituent les deux budgets majeurs des régions. Ces ordres de grandeur excluent Île-de-France Mobilités, qui fait l'objet d'un dispositif spécifique et d'un financement autonome.
Par ailleurs, je souhaite mettre en exergue la hausse significative des tarifs des péages ferroviaires. Cette augmentation est prévue à hauteur de 24 % en 2024 et 2026. Dans la tribune que l'ensemble des présidents de région ont présentée, ces derniers ont demandé un « choc de l'offre ferroviaire », avec un investissement de 100 milliards d'euros. Le budget de l'État consacré au ferroviaire est trois fois plus faible que celui de l'État allemand, par exemple.
En outre, les régions françaises contribuent à hauteur de deux tiers du financement du matériel roulant vert, comme le train à hydrogène, contre un tiers seulement pour les régions allemandes. De plus, le système de financement du ferroviaire incite peu à la proposition de trains plus nombreux pour nos concitoyens. En effet, plus le nombre de trains en circulation est élevé, plus les péages à régler sont importants. Selon une approche strictement budgétaire, les présidents de région n'ont aucun intérêt à proposer une offre ferroviaire plus large. Dès lors, nous demandons que le système du financement du ferroviaire soit entièrement révisé.
Pour sa part, Île-de-France Mobilités s'est vu accorder un complément du versement mobilité. Cette possibilité offerte au territoire francilien doit être étendue à l'ensemble des territoires de la République.
Il est également à noter que certaines concessions autoroutières parviendront à leur terme en 2028. Il convient dès lors d'examiner les questions de financement qui en découlent. De même se pose la question des montages juridiques du système ferroviaire, dont les sociétés de financement mises en place pour les lignes à grande vitesse (LGV) Marseille-Nice, Toulouse-Bordeaux, Bordeaux-Dax et Montpellier-Perpignan. Peut-être est-il nécessaire de s'inspirer des sociétés des grands projets, comme l'ancienne Société du Grand Paris.
Selon les présidents de région, le système ferroviaire français doit être entièrement remodelé en vue d'une régénération significative de nos infrastructures de transport, de la réouverture de lignes dans certaines régions et d'un investissement dans le matériel roulant permettant d'augmenter les capacités de transport.
Je signale également le retard important que le système ferroviaire français accuse en matière de signalisation et la nécessité absolue d'équiper ce système en matériel ERTMS ( European Rail Traffic Management System ), à l'instar d'autres pays.
Il convient également de mener une réflexion sur la question tarifaire. Un groupe de travail avait été constitué pour étudier le pass inspiré du modèle allemand, à 49 euros par mois. Les travaux de ce groupe sont suspendus depuis un mois. Dans certaines régions comme l'Occitanie, un pass à 45 euros est déjà proposé aux salariés, déduction faite de la participation de l'employeur. En tout état de cause, il est absolument nécessaire de travailler sur une tarification incitative et sur le dispositif du billet unique. À cet égard, la France est particulièrement pénalisée par la division de la chaîne des transports. Cette division ne favorise ni les mobilités douces ni les transports collectifs.