J'en ai fait l'expérience lorsque j'étais journaliste et, surtout, lorsque j'ai dirigé des grands médias, avec une responsabilité sur les directions de l'information. Comme l'aurait dit le général de Gaulle, il est archi-légitime que chacun puisse s'exprimer, dans le cadre d'une campagne présidentielle, ou, dans quelques mois, d'une campagne européenne. Parfois, pour ne pas dire souvent – trop souvent, de mon point de vue –, il arrive cependant que le respect de l'arithmétique l'emporte sur celui du pluralisme au sens littéral du terme. En tant que journaliste politique, je considère que le fait de donner, à la seconde près, le même temps d'antenne à un candidat qui pèse 20 % ou 25 % des voix qu'à celui qui en représente 2 % peut poser des problèmes dans le suivi d'une campagne électorale.
Si je n'ai pas en mémoire le détail des dernières évolutions intervenues en la matière, le fait d'avoir étendu cette comptabilité au traitement de l'information par les journalistes eux-mêmes – le temps d'antenne – me semble être totalement surréaliste. C'est là un point de vue personnel, que je n'exprime donc pas en ma qualité de membre du comité d'éthique. Une régulation est certes nécessaire, car il est inenvisageable de ne pas encadrer les médias qui bénéficient de fréquences publiques, comme cela est le cas aux États-Unis. L'encadrement gagnerait cependant à être beaucoup plus souple et à faire davantage confiance à la responsabilité des journalistes et de leur hiérarchie.